Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 169

Le mardi 4 juin 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 4 juin 2013

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée

Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-213, Loi instituant une journée nationale de commémoration pour honorer les anciens combattants de la guerre de Corée, accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté le projet de loi sans amendements.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine mondiale des océans

La mer des Sargasses

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, à l'occasion de la Semaine mondiale des océans, je prends la parole pour parler de la mer des Sargasses. Comme vous le savez peut-être, la mer des Sargasses doit son nom aux tapis d'algues sargassum qui la recouvrent, que l'océanographe américaine, aquanaute, auteure et exploratrice en résidence du National Geographic Sylvia Earle appelle « la précieuse forêt tropicale des mers ».

La mer des Sargasses est la seule étendue d'eau au monde qui ne compte aucun rivage. Située dans le tourbillon nord-atlantique, elle est bordée par le Gulf Stream à l'ouest, la dérive nord-atlantique au nord, le courant des Canaries à l'est et le courant nord équatorial de l'Atlantique au sud. La mer des Sargasses s'étend sur plus de 4 millions de kilomètres carrés.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous parler de la nature et de l'environnement de la mer des Sargasses. Il s'agit d'un sanctuaire de biodiversité. En effet, la mer des Sargasses abrite un éventail d'espèces endémiques et joue un rôle essentiel dans le cycle de vie de nombreuses espèces menacées ou en voie de disparition, comme le requin-taupe commun, l'anguille d'Amérique, l'anguille européenne, de même que le voilier et plusieurs espèces de tortues, d'oiseaux migrateurs et de cétacés. Le couvert d'algues sargassum crée une « pouponnière » protectrice pour les jeunes poissons et les carets, ces grandes tortues des mers. Thazard bâtard, thon et autres poissons pélagiques fouillent cette mer et la traversent lors de leur migration, tout comme de nombreuses espèces de baleines, notamment le grand cachalot et le rorqual à bosse.

La mer des Sargasses subit l'influence croissante des innombrables gestes humains qui mettent en péril l'habitat et les espèces qu'elle abrite. Plusieurs facteurs d'agression menacent la santé et la viabilité à long terme de son écosystème. Signalons, par exemple, le pétrole et les eaux de cale et de ballast rejetés par les navires; la grande concentration de déchets de plastique non biodégradables provenant des navires et des terres; les effets nocifs de la pêche; la récolte des « sargasses », ces algues utiles pour les fertilisants et le biocarburant; l'exploitation minière des grands fonds marins; et, enfin, les changements climatiques et l'acidification de la mer.

Les sénateurs ont peut-être entendu parler de l'Alliance pour la mer des Sargasses, un partenariat dirigé par le gouvernement des Bermudes auquel participent divers pays, des scientifiques, des groupes qui militent pour la préservation du milieu marin et des donateurs privés. Les membres de l'alliance partagent tous la même aspiration, soit de protéger l'écosystème de la mer des Sargasses, un écosystème marin unique et vulnérable. L'alliance, qui a un bureau à Washington, D.C., a pour mission de procurer à cet écosystème une protection juridique. Elle souhaite donc le faire reconnaître comme une aire marine protégée, grâce à une déclaration qui sera signée par des pays et des organismes internationaux. La déclaration d'Hamilton, comme on l'appelle, sera signée à Hamilton, aux Bermudes, en mars 2014.

Dans sa résolution générale annuelle de 2012 sur les océans et le droit de la mer, l'Assemblée générale des Nations Unies mentionne qu'elle « [p]rend également note du travail que fait l'Alliance pour la mer des Sargasses, sous la conduite du Gouvernement bermudien, pour faire comprendre l'importance écologique de la mer des Sargasses ».

Honorables sénateurs, j'espère que le Canada se joindra à cet effort de protection de la mer des Sargasses, et qu'il signera la déclaration d'Hamilton. Je demande humblement aux sénateurs de passer le mot à leurs amis et collègues afin que le Canada, un pays bordé par trois océans, appuie l'initiative de protection de la mer des Sargasses et soit signataire de la déclaration d'Hamilton.

J'invite tous les sénateurs à visiter le site web de l'Alliance pour la mer des Sargasses, au www.sargassoalliance.org, afin de savoir pourquoi il est important de protéger cet écosystème océanique précieux et exceptionnel.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, c'est toujours un grand honneur et un énorme plaisir d'accueillir à notre tribune de jeunes et brillants étudiants universitaires. Je vous signale aujourd'hui la présence de Sam Frum, un étudiant de premier cycle qui vient de terminer sa première année d'études en économie à l'Université Harvard. Il a un lien de parenté avec notre distinguée collègue, la sénatrice Frum.

Sam, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de Murray Frum, C.M.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, au risque de fondre en larmes, je souhaite rendre hommage à un fier Canadien qui s'est éteint le 27 mai 2013. Je parle de mon père, le regretté Murray Frum.

Dans les notices nécrologiques et les hommages qui ont été consacrés à mon père, tous ont salué, à juste titre, ses réalisations dans le milieu des affaires et son appui au domaine des arts. Son plus grand cadeau, une œuvre maîtresse en bronze créée par le grand sculpteur baroque Gian Carlo Bernini, fera le bonheur des visiteurs et des résidants de Toronto pour des siècles à venir, tout comme la collection d'art africain de renommée internationale qu'il a aussi donnée au Musée des beaux-arts de l'Ontario. Cependant, je souhaite parler aujourd'hui d'un autre souvenir laissé par ce grand homme.

Mon père est sorti de la pauvreté pour devenir l'un des plus grands promoteurs immobiliers de Toronto. Tout au long de son ascension, il a vécu sa vie conformément aux normes éthiques les plus rigoureuses.

Bien que sa nature aimable, sa joie de vivre et son esprit vif aient été pour moi une source d'inspiration, c'est son intégrité inébranlable que j'admirais le plus. Le mois dernier, alors qu'il était en phase terminale de sa maladie, je lui ai dit que j'avais été choisie pour faire partie du Comité sénatorial de l'éthique, et il a hoché la tête en signe d'approbation. Il m'a communiqué son inébranlable conviction qu'on n'est rien si on n'est pas respectueux de l'éthique.

(1410)

Bientôt, j'allais voir avec horreur et impuissance un cancer agressif l'enlever à sa famille. Il n'y avait rien que nous ni les médecins puissions faire.

Maintenant, je reviens travailler au service d'une institution assiégée. Cette fois, cependant, nous ne sommes pas réduits à l'impuissance. Honorables sénateurs, l'avenir du Sénat est entre nos mains. Il nous incombe de prouver aux Canadiens que nous sommes honorables dans les faits, et pas uniquement par notre titre.

Nous savons à quel point le Sénat a contribué à la bonne gouvernance et au bien-être du Canada et des Canadiens. Nous savons que nos collègues sont des personnes honnêtes, soucieuses du bien public et acharnées au travail.

Toutefois, nous pouvons faire mieux : plus de transparence, plus de rigueur, reddition des comptes plus stricte. Ainsi, je me réjouis des mesures que le Sénat a prises récemment, comme la mise en ligne des états des dépenses des sénateurs depuis 2010. J'appuie aussi la vérification du Sénat demandée au vérificateur général, et j'ai également mis sur mon site personnel un lien qui renvoie à mes propres dépenses.

Ces premières mesures sont bonnes et nous aideront à rétablir l'intégrité du Sénat du Canada, mais d'autres réformes de notre propre cru doivent suivre.

Chacun de nous, lorsqu'il a été convoqué au Sénat, a apporté avec soi une volonté de servir le Canada et de renforcer la réputation que nous ont léguée nos pères. Au moment où je pleure la disparition de mon cher père, je m'engage à toujours honorer, dans mes gestes et mes actions, le nom qu'il m'a donné.

Des voix : Bravo!

Le massacre de la place Tiananmen

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ce témoignage a été très touchant. Nous avons tous des souvenirs, bons ou mauvais, heureux ou tristes.

Chaque année, à cette date, je prends la parole en cette auguste assemblée pour évoquer le souvenir de ceux qui se sont battus pour la démocratie et ont été tués. Chaque année, à cette date, je rappelle le massacre de la place Tiananmen. Chaque année, à cette date, je songe à cette soirée chaude, humide, collante, où des soldats chinois sont entrés en force sur la place. Ils n'avaient qu'un objectif : se débarrasser des étudiants et réprimer le mouvement en faveur de la démocratie. Ce ne fut pas beau à voir.

Ce fut une répression impitoyable contre des gens qui n'avaient d'autre défense que leur voix, leur voix qui s'élevaient contre un régime qui n'était pas prêt à écouter, leurs voix qui ont été réduites au silence par les armes dont l'écho retentissait dans tout Pékin, il y a 24 ans.

Aujourd'hui, une génération de Chinois a grandi qui n'a pas été autorisée à savoir ce qui s'était vraiment passé sur la place Tiananmen, mais le gouvernement chinois ne peut pas me réduire au silence, il ne peut pas me menacer d'emprisonnement ni d'assignation à résidence. À titre de correspondant étranger, il ne m'était pas facile de voir des gens mourir. Il n'était pas facile de voir des étudiants écrasés par des chars. Il n'était pas facile d'écouter la douleur, d'écouter le silence. Pour eux, leurs familles et ceux qui ont survécu à cette nuit de brutalité, j'ai le devoir de parler.

De quoi le gouvernement chinois avait-il peur? Je me demande sans cesse pourquoi, pourquoi? La place Tiananmen, ce ne fut pas qu'une nuit. En 1989, j'y ai passé deux mois pour assurer des reportages, sans même me dire que c'est l'histoire qui se faisait sous mes yeux. Je me souviens d'un couple âgé qui me demandait de dire au monde ce qui se passait. À l'unisson, les gens criaient : « Nous voulons être entendus. »

À un moment donné, Pékin donnait l'impression d'être une ville libérée : un million de personnes défilaient pacifiquement place Tiananmen et depuis la Cité interdite, le portrait du président Mao jetait son ombre sur la place. Les habitants de Pékin se joignaient aux étudiants pour célébrer. Leurs voix étaient unies en une seule, mais lorsque la loi martiale a été décrétée, il y avait une seule voix, celle du premier ministre Li Peng. La répression avait commencé.

Aujourd'hui, aucune célébration sur la place Tiananmen. Aujourd'hui, il y a des dissidents en prison, dont le lauréat du prix Nobel de la paix en 2012, Liu Xiaobo, professeur et militant des droits de la personne, condamné à 11 ans de prison en 2009. Tout ce qu'il a fait, c'est de participer à la rédaction d'une charte demandant des réformes démocratiques et la garantie des droits et libertés en Chine. Il a reçu le prix pour ses « efforts durables et non violents en faveur des droits de l'homme. »

Hélas, il y en a des milliers comme lui dans le goulag chinois. Aujourd'hui, la Chine est peut-être un géant sur le plan économique, mais elle ne pèse pas lourd en ce qui concerne les droits de la personne. Nous sommes censés accepter ces deux aspects, d'une manière ou d'une autre mais, tant que j'aurai une voix, je n'accepterai pas la version faussée de l'histoire que le gouvernement a présentée à son peuple et au monde entier.

Chaque année, à cette date, je ne veux que pleurer, mais, au bout du compte, il n'y a toujours qu'un enseignement : lorsqu'on a été témoin de l'histoire, il ne faut pas laisser le monde oublier. Vive la démocratie, vive les enfants et les étudiants de Chine dont la voix a été réduite au silence.

Le décès de James Pon

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à James Pon, l'un des derniers survivants de ceux qui ont dû payer la taxe d'entrée. Il est décédé en mars 2013 à l'âge de 95 ans.

Samedi dernier, à Toronto, j'ai assisté à une commémoration et à une célébration de sa vie et de ses réalisations. Sa famille, ses amis et des membres du grand public se sont réunis pour évoquer les contributions que James et sa famille ont apportées à notre pays.

Le grand-père de James faisait partie du groupe de 17 000 travailleurs venus de Chine pour construire le chemin de fer Canadien Pacifique vers la fin du XIXe siècle. Toutefois, le gouvernement de l'époque a imposé à ces immigrants chinois une taxe d'entrée injuste. Tenue de payer cette taxe, la famille de James a dû emprunter de l'argent à des parents et elle n'a pas eu les moyens de payer les études de James. Malgré ces difficultés, James, qui a grandi dans une petite ville de l'Alberta, a fait preuve de résilience et de détermination. Il a mené une carrière fructueuse dans le domaine du génie, travaillant pour de grandes entreprises, dont Énergie atomique du Canada Limitée.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, James a été l'auteur d'une innovation qui a aidé l'industrie canadienne de l'aéronautique, ce qui lui a valu une décoration du gouverneur général. Son œuvre de philanthrope et son travail dans la collectivité ont été récompensés par la Médaille du jubilé d'or de la reine, en 2002.

James était actif dans plusieurs domaines au sein de la collectivité. Il a fait partie de multiples conseils d'administration, notamment celui de l'hôpital Mount Sinai. Ses efforts inlassables pour mettre en lumière la question de la taxe d'entrée ont fini par porter fruit, car en 2006, à la Chambre des communes, le premier ministre Harper a présenté des excuses officielles à la communauté chinoise pour le traitement injuste dont elle avait été victime. James a travaillé pendant des décennies pour obtenir du gouvernement cette réparation symbolique et il a parcouru le pays pour raconter ce fait à la jeune génération.

Je demande aux sénateurs de se joindre à moi pour reconnaître l'apport de James Pon et offrir nos sincères condoléances à sa femme, Vera, et à ses trois enfants, Karen, Douglas et Louie.

L'influence économique du Canada

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, tout le monde sait que bien des pays du monde semblent incapables de tirer leur économie du marasme des cinq dernières années. Le Canada y a réussi, lui, et je suis fier de vous faire part de certains renseignements importants.

[Français]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner les efforts du gouvernement canadien en vue de maintenir notre place parmi les meilleurs pays au monde. Le leadership du premier ministre Harper mérite nos félicitations, peu importe nos couleurs politiques.

[Traduction]

Un sondage sur le classement des pays réalisé en 2013 auprès de 26 299 personnes par la société GlobeScan/PIPA pour le compte de la British Broadcasting Corporation, la BBC, a révélé il y a quelques jours que le Canada est perçu comme le deuxième pays au monde sur le plan de l'influence, n'étant dépassé que par l'Allemagne à ce chapitre.

On a demandé aux participants si l'influence du Canada dans le monde était surtout positive ou surtout négative. Les répondants croient qu'elle est surtout positive dans une proportion de 55 p. 100 et surtout négative dans une proportion de 13 p. 100 seulement.

(1420)

Voilà qui diffère grandement, honorables sénateurs, de ce que l'opposition aimerait que les Canadiens croient et de ce que certains candidats politiques ont affirmé au cours de la dernière année. En fait, on entend tellement de critiques que certains sénateurs seront peut-être surpris d'apprendre que 84 p. 100 des Canadiens estiment que l'influence de notre pays dans le monde est plutôt positive.

Des voix : Bravo!

Une voix : Absolument!

Le sénateur Mockler : Le message de l'opposition quant à l'influence du Canada sur la scène mondiale ne concorde pas du tout avec la perception des gens des autres pays ni avec celle des Canadiens.

Honorables sénateurs, voilà la preuve irréfutable que l'engagement ferme du gouvernement à l'égard de l'économie donne des résultats et fait de notre pays un meilleur endroit où vivre, travailler et élever nos enfants, et ce, tout en nous permettant d'aider les plus vulnérables.

[Français]

Le sondage de la BBC montre clairement que le Canada a largement dépassé tous les pays du Commonwealth et de la Francophonie. Oui, la France se trouve présentement en cinquième position et les États-Unis en huitième position. Cela est indéniable.

[Traduction]

Honorables sénateurs, depuis le début de la récession en 2008...

Son Honneur le Président : À l'ordre.

[Français]

Le décès de l'honorable James Francis Kelleher, C.P.

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, dimanche dernier, en fin d'après-midi, je rentrais à la maison après avoir assisté au concert-gala célébrant le 10e anniversaire du Conservatoire de musique de la Montérégie dans le cadre du Festival Classica de Saint-Lambert.

En prenant l'apéro, je suis allée vérifier les courriels reçus au cours de la journée. En quelques minutes, le disque dur installé dans ma tête, non moins dure, avait fait demi-tour et m'avait ramenée en 1984. Je venais d'être élue député de Saint-Hyacinthe—Bagot et, à mon plus grand étonnement, on venait de m'annoncer que je ferais partie du Cabinet.

Quelques semaines plus tard, j'avais enfin trouvé le temps nécessaire pour me trouver un logement modeste, mais très confortable. Le lendemain matin, je sors de chez moi et je m'apprête à fermer la porte à clé quand mon dos frappe quelqu'un qui sort de l'appartement voisin. Au coin de l'édifice, nos portes étaient placées en angle droit. Nous nous excusions tous les deux avant même de nous regarder. En route vers l'ascenseur, nous avons eu le temps de bien nous regarder et, surprise, mon voisin de palier semblait savoir qui j'étais. Il m'a fallu quelques secondes avant de reconnaître James Kelleher, député de Sault Ste. Marie et nouveau ministre du Commerce international. Nous nous sommes bien amusés de ce hasard et sommes rapidement devenus amis.

En 1986, deux ans plus tard, lors d'un remaniement, l'avocat s'est retrouvé ministre de la Justice et solliciteur général. Pour ma part, je me suis retrouvée au fauteuil, une des personnes qui, à tour de rôle, remplaceront l'honorable John Fraser, qui venait d'être élu à la présidence de cet autre endroit au bout du couloir.

Aux élections de 1988, James a été l'une des rares personnes qui n'a pas retrouvé son poste de député. Deux ans plus tard, le premier ministre Brian Mulroney l'a convoqué au Sénat. Au cours des années, nous nous sommes vus rarement, sauf au caucus national hebdomadaire.

Il y a deux jours, en ce dimanche de printemps, la nouvelle du décès de James Kelleher m'a beaucoup touchée. Certains d'entre vous se souviendront peut-être que, en 2005, quand à mon tour j'ai eu l'honneur d'entendre un premier ministre — dans mon cas, il s'agissait de Paul Martin — m'offrir de siéger au Sénat, c'est à James Kelleher que j'ai demandé de bien vouloir m'y accompagner, avec la sénatrice LeBreton. Cette journée mémorable pour moi l'est aussi devenue pour notre ancien collègue. Ce fut sa dernière journée parmi nous. Pour lui, l'heure de la retraite était venue. C'est pour me faire plaisir qu'il était venu encore une fois à Ottawa ce jour-là, alors qu'il croyait vraiment que ses jours au Sénat étaient comptés.

Plus tard, nous avons communiqué à de rares occasions. Quand viendra le temps des Fêtes, les quelques mots gentils qu'il ajoutait toujours à sa carte de souhaits me manqueront. Lui donner un coup de fil quand, par hasard, je vais à Toronto me manquera aussi.

James Francis Kelleher était un grand monsieur qui avait bien voulu de mon amitié. Je lui lève mon chapeau et suis certaine que nous tous et toutes n'aurons que de bons souvenirs quand nous penserons à lui. J'en profite pour offrir à sa famille nos plus sincères condoléances.


AFFAIRES COURANTES

Le Président du Sénat

Dépôt de la lettre au Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, à la suite de l'adoption du 26e rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, le mercredi 29 mai 2013, j'ai envoyé une copie des 22e et 26e rapports du comité au commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada.

Avec le consentement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer une copie de cette lettre. La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à inviter le vérificateur général à procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat, les dépenses des sénateurs y comprises

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :

Que le Sénat invite le vérificateur général du Canada à procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat, les dépenses des sénateurs y comprises.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

La sénatrice LeBreton : Vous m'en voyez désolée.

Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat invite le vérificateur général du Canada à procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat, les dépenses des sénateurs y comprises.

La Loi sur le programme de protection des témoins

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-51, Loi modifiant la Loi sur le programme de protection des témoins et une autre loi en conséquence, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à l'étude sur l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mercredi 28 novembre 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles relativement à son étude sur l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada soit reportée du 30 juin 2013 au 31 décembre 2013.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires autochtones et le développement du Nord

Les formules de financement des écoles dans les réserves

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, ma question aujourd'hui s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Honorables sénateurs, pas plus tard qu'au printemps, deux rapports importants ont été publiés au sujet des inégalités touchant le financement destiné aux élèves des Premières Nations vivant dans les réserves. Les deux rapports font état de l'écart qui existe entre le financement destiné aux élèves des Premières Nations qui fréquentent des écoles primaires et secondaires dans les réserves et celui destiné aux élèves qui fréquentent les écoles provinciales. Le premier rapport, intitulé Comparison of the DIAND Funding Formula For Education with the Saskatchewan Provincial Funding Formula, a été publié le 6 mars. Ce rapport, qui a été rédigé à la demande de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, s'ajoute aux nombreux autres rapports montrant que les formules de financement utilisées par le ministère ont donné lieu à un sous-financement chronique de l'éducation lorsqu'on les compare à la formule de financement provinciale de la Saskatchewan. Le rapport indique que le financement destiné à l'éducation de base et à l'éducation spécialisée dans les écoles des Premières Nations est inférieur d'au moins 18 p. 100 à celui des écoles provinciales. Or, le ministère et le ministre Valcourt ont de nouveau affirmé, et ce, pas plus tard qu'en avril, que le financement destiné aux élèves des Premières Nations est comparable ou supérieur à la moyenne provinciale en Saskatchewan.

En décembre dernier, j'ai demandé à madame le leader du gouvernement au Sénat de déposer la formule de financement utilisée par le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien pour déterminer le financement qui sera alloué par élève dans les réserves. Il y a maintenant cinq mois de cela, et je n'ai toujours pas obtenu de réponse.

Je vais poser de nouveau la question : étant donné qu'un nouveau rapport indique clairement que les formules de financement utilisées par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pour déterminer le financement qui sera alloué par élève dans les réserves donne lieu à un écart en matière de financement, va-t-elle maintenant dévoiler les formules de financement utilisées par les services régionaux responsables des affaires autochtones pour déterminer le financement qui sera accordé par élève dans les réserves?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je dois féliciter mon collègue, l'honorable Bernard Valcourt, qui travaille extrêmement fort avec les dirigeants autochtones. Il a entrepris le processus de consultation préalable à l'élaboration d'une Loi sur l'éducation des Premières Nations car il est évident que le gouvernement, comme nous tous, souhaite que les jeunes Autochtones puissent tirer parti de toutes les occasions que le Canada a à offrir, surtout dans le Nord et dans les régions riches en ressources du pays.

Nous avons prévu de nouvelles ressources pour construire des écoles et mettre en œuvre des programmes pour les étudiants Autochtones. Le budget de 2013, dont nous sommes actuellement saisis, affecte de nouveaux fonds aux bourses d'études et à la formation professionnelle personnalisée des jeunes des Premières Nations partout au Canada. Je suis sûre que la sénatrice ne m'en voudra pas de signaler que ses collègues de l'autre endroit ont voté contre toutes ces mesures.

La sénatrice Dyck : J'ai demandé si l'honorable leader du gouvernement veut bien déposer les formules utilisées par le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien pour calculer le financement des écoles dans les réserves. Peut-elle répondre à cette question?

La sénatrice LeBreton : Même si je ne participe pas aux négociations — elles sont évidemment menées par notre excellent ministre des Affaires autochtones, l'honorable Bernard Valcourt —, j'essaierai dans la mesure du possible de transmettre la question de la sénatrice au ministre et de lui demander s'il a d'autres renseignements à donner pour qu'elle puisse mieux comprendre ces questions extrêmement importantes relatives aux jeunes Autochtones et à leur éducation.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie.

Coïncidence intéressante, nous avons entendu ce matin le vice- chef Simon Bird, de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, au Comité des peuples autochtones, et nous avons commencé à discuter d'éducation. Il a dit, en substance, que nous n'avons pas besoin d'une loi sur l'éducation pour combler l'écart de financement. L'honorable leader dit constamment que le gouvernement prépare cette mesure législative qui réglera différents problèmes, mais il a déclaré très clairement que nous n'avons pas besoin d'une loi sur l'éducation pour rajuster le financement. Si cela avait fait partie des priorités du gouvernement, l'écart aurait déjà été comblé. Par conséquent, pourquoi ne l'est-il pas encore?

La sénatrice LeBreton : En toute justice, les sénateurs reconnaîtront que le gouvernement a travaillé extrêmement fort avec les dirigeants autochtones dans une foule de domaines, mais en particulier dans celui de l'éducation et de son financement. Nous avons construit ou rénové des centaines d'écoles, augmenté le financement des services à l'enfance et à la famille, réglé plus de 80 revendications territoriales, construit plus de 10 000 maisons et remis en état des milliers d'autres. Nous avons investi dans l'eau potable et dans plus de 700 projets destinés à donner aux Autochtones une formation professionnelle, des services d'orientation et des programmes de mentorat.

Tous ces efforts du gouvernement, en plus des autres que j'ai mentionnés, ont pour but d'améliorer la qualité de vie de nos concitoyens autochtones, leurs logements et leur éducation. Comme je l'ai dit plus tôt, nous croyons que les jeunes Autochtones doivent avoir accès aux nombreuses possibilités d'emploi et autre occasions offertes aux Canadiens.

La sénatrice Dyck : Je remercie madame le leader du gouvernement de sa réponse, mais, dans le préambule de ma question, j'ai dit très clairement que le financement des écoles des réserves, c'est-à-dire l'argent consacré à l'instruction de base et à l'éducation spéciale, n'est pas égal à celui que reçoivent les écoles provinciales. Vous pouvez construire toutes les écoles que vous voulez, mais si elles ne disposent pas de l'argent nécessaire à l'éducation des étudiants, elles ne peuvent absolument pas les instruire d'une façon comparable. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas comblé l'écart entre le financement des écoles des réserves et celui des écoles provinciales?

La sénatrice LeBreton : La sénatrice a abordé cette question dans le cas particulier de la Saskatchewan. J'aimerais parler d'une autre province.

Le 9 avril, il y a un peu plus d'un mois, le ministre Valcourt, l'Ontario et la Nation nishnawbe-aski ont signé un accord historique qui profitera à des milliers d'étudiants des Premières Nations de l'Ontario. Le chef national Shawn Atleo a dit que c'était un exemple pratique de la façon dont les peuples autochtones peuvent améliorer leurs conditions de vie et collaborer avec le gouvernement. C'est la ligne de conduite adoptée par le ministre Valcourt. L'accord aura des avantages pour les jeunes Autochtones ontariens. Je suis sûre qu'à mesure qu'il ira dans les différentes régions du pays et s'entretiendra avec les dirigeants autochtones, il obtiendra partout les mêmes bons résultats.

La sénatrice Dyck : Je suis au courant de ce protocole d'entente.

Il a été publié le 10 avril. Un porte-parole de la Première Nation de Mattagami—Nation Nishnawbe-Aski qui a signé le protocole d'entente a dit que le groupe reste opposé à l'adoption d'une loi sur l'éducation des Premières Nations, malgré la signature du plan conjoint. Par conséquent, l'écart de financement demeure critique, même ici, en l'Ontario. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas comblé cet écart?

La sénatrice LeBreton : Ces gens ont signé l'accord, mais voilà qu'ils disent qu'ils y sont opposés. Je ne puis que répéter ce qu'a dit le chef national Shawn Atleo. Il croit que c'est un exemple pratique de la façon dont les peuples autochtones peuvent améliorer leurs conditions de vie et collaborer avec les gouvernements. C'est l'objectif du ministre. C'est évidemment l'objectif du grand chef. S'il y a des gens de ces différentes collectivités qui s'opposent aux accords signés, je n'ai rien à dire à ce sujet. Je ne puis répondre qu'à des questions concernant ce que fait le gouvernement.

La sénatrice Dyck : Je ne crois pas qu'ils aient dit qu'ils sont opposés à l'accord. Ils ont plutôt dit qu'ils étaient opposés à une loi sur l'éducation parce que l'écart de financement est critique, comme je l'ai déjà dit. Si nous ne consacrons pas autant d'argent à un étudiant qui vit dans une réserve qu'à un étudiant d'une école provinciale de l'Ontario ou de la Saskatchewan, il est évident qu'ils ne recevront pas une éducation comparable.

Si nous voulons que les étudiants progressent, surtout quand on sait à quel point ces jeunes sont nombreux, si le gouvernement souhaite que ces étudiants s'instruisent et occupent un emploi — comme madame le leader le dit tout le temps —, il devrait accorder un financement égal aux écoles des réserves et aux écoles provinciales.

(1440)

La sénatrice LeBreton : Je le répète, comme les sénateurs le savent, nous travaillons très fort avec les dirigeants des Premières Nations à élaborer une loi sur l'éducation des Premières Nations. Comme la sénatrice l'a affirmé, l'objectif du gouvernement, et de nous tous, est de permettre aux jeunes Autochtones de fréquenter notre système d'éducation et de profiter de toutes les possibilités que le Canada a à offrir.

La sécurité publique

La Gendarmerie royale du Canada—La demande de documents

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, le 21 mars dernier, j'ai demandé, après en avoir donné préavis par écrit, que madame le leader du gouvernement au Sénat nous fournisse des renseignements concernant les budgets de la GRC, les activité de recrutement et la rétention entre les exercices 2002-2003 et 2012- 2013. Le 1er mai, soit six semaines plus tard, j'ai signalé à madame le leader du gouvernement que je n'avais toujours pas reçu ces renseignements. Nous sommes maintenant le 4 juin.

La leader du gouvernement s'attend-elle à les recevoir bientôt?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais communiquer avec le bureau du ministre afin d'obtenir dès que possible un échéancier qui sera remis aux sénateurs.

La Gendarmerie royale du Canada—Le témoignage du commissaire Bob Paulson au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, deux généraux à la retraite ont témoigné hier devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense; ces témoins ont grandement contribué à corriger les graves problèmes culturels qui affligeaient l'armée canadienne durant les années 1990. Leur présentation était élégante, réfléchie, éclairée et très constructive.

Le témoignage du commissaire Bob Paulson, qui a suivi, contrastait vivement avec le leur et ne présentait aucune de ces caractéristiques. En fait, il apparaît clairement que le commissaire ne reconnaît pas adéquatement, voire pas du tout, la nature et la profondeur des graves problèmes culturels auxquels la GRC est confrontée. Je dirais même qu'il est plus enclin à blâmer les autres qu'à s'engager à régler ces problèmes. D'ailleurs, il a fait quelque chose de presque incompréhensible : il a pointé du doigt trois subordonnés et les a critiqués publiquement.

Madame le leader du gouvernement au Sénat a-t-elle l'impression que, avec ce genre de leadership, on pourra un jour régler le problème de la culture au sein de la GRC?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai lu une partie du compte rendu des délibérations entre les témoins hier soir, à la réunion du Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité. Le commissaire Paulson n'a pas mâché ses mots. En tant que leader du gouvernement au Sénat, je n'ai pas lu tout le témoignage. Toutefois, des représentants de la GRC, ainsi que le commissaire ont comparu devant le comité. Ce dernier a fait valoir son point de vue au comité en sa qualité de commissaire de la GRC, ce qui est son droit.

Je m'en tiendrai à cela pour l'instant. Le commissaire a participé pleinement et a exprimé ses idées. Il en a parfaitement le droit, qu'on partage son avis ou non.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, il en a peut-être le droit, mais il lui incombe aussi de donner l'exemple à ses subalternes. Les généraux ont fait valoir que, pour apporter des changements culturels profonds, il est essentiel que l'impulsion vienne des échelons supérieurs, qu'elle s'exercent du haut vers le bas. C'est ainsi qu'on en vient à changer la culture, la façon de penser et le comportement typique au sein d'une organisation. Manifestement, le commissaire Paulson est loin d'avoir été à la hauteur du modèle établi par ces généraux.

Madame le leader pourrait-elle nous dire ce qu'elle pense de l'attaque publique et fort agressive du commissaire contre trois subalternes? Quelle sorte de message ce comportement envoie-t-il aux employés civils et aux membres de la GRC qui ont été gravement blessés par le harcèlement subi au sein de cette organisation — qui souffrent de stress post-traumatique de ce fait— et qui souhaitent remédier au problème, non pas nuire à la GRC, mais qui craignent de se manifester en raison des représailles de ce genre?

La sénatrice LeBreton : D'abord, honorables sénateurs, le commissaire Paulson a comparu devant un comité sénatorial permanent qui étudie précisément cette question, comme le sénateur le sait bien puisqu'il est membre de ce comité. À titre de leader du gouvernement au Sénat, je n'interviendrai pas dans les travaux d'un comité. J'attendrai les témoignages complets du comité, ainsi que ses conclusions et ses observations sur tous les témoignages. J'attends avec impatience de lire les délibérations finales du comité et son point de vue sur tous les témoins, y compris sur le commissaire Paulson.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, il y a un autre aspect. Le commissaire n'a pas seulement parlé d'employés de la GRC qui ont été blessés, il a aussi parlé de la chaîne de commandement, du moins de certains dirigeants qui ont été accusés de harcèlement, ce dont ils ont été reconnus coupables à la suite de procédures judiciaires.

Quel genre de message le commissaire Paulson envoie-t-il à la chaîne de commandement lorsqu'il se met à attaquer publiquement au moins trois de ses subalternes? Ce sont des gens qui ont peut-être tendance à harceler leurs employés, et certains l'ont peut-être déjà fait.

La sénatrice LeBreton : Le sénateur Mitchell est membre du comité devant lequel le commissaire Paulson a comparu et le sénateur a eu tout le loisir de poser des questions au commissaire. Peut-être que le commissaire Paulson, qui se trouvait devant le comité, était la meilleure personne à qui poser ces questions sur le genre de message qu'il envoie?

Je ne suis pas membre du comité, je n'étais donc pas présente. J'ai tout simplement lu le compte rendu. Lorsque le comité présentera son rapport sur cette étude, je suis certaine que le comité se prononcera clairement sur le point de vue et les observations de tous les témoins.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, il est clair que madame le leader ne siège pas au comité, mais elle fait partie du Cabinet, qui supervise le processus au terme duquel le commissaire Paulson a été nommé. Ne croit-elle pas qu'elle pourrait soulever la question auprès du premier ministre, le ministre de la Sécurité publique et le reste du Cabinet et leur demander à quel point ils tiennent à maintenir le commissaire Paulson en poste après qu'il ait montré qu'il ne croit-elle peut-être pas les qualités de leader nécessaires pour résoudre le problème culturel qui sévit à la GRC?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, tout d'abord, c'est le sénateur qui caractérise ainsi le commissaire Paulson. Je pense que la nouvelle de la nomination du commissaire a bien été accueillie. La GRC et le commissaire ont comparu devant le comité à trois reprises et le commissaire a exprimé son opinion honnêtement. Il importe peu si le sénateur la partage ou non. Le Cabinet n'a pas l'habitude de discuter des témoignages entendus par les comités du Sénat ou de la Chambre des communes.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, si madame le leader ne le sait pas déjà — ce qui serait compréhensible —, pourrait-elle confirmer auprès du ministre Toews s'il appuie les propos tenus hier soir par le commissaire Paulson, ou même si ce ne serait pas son cabinet qui a rédigé ces propos?

La sénatrice LeBreton : Comme c'est typique du sénateur Mitchell d'enchaîner avec une question idiote après une série de bonnes questions.

Le commissaire Paulson a comparu devant le comité. Il a exprimé son opinion très clairement. Que le sénateur la partage ou non, le fait est qu'il a parlé de façon très directe, ouverte et honnête en sa qualité de commissaire de la GRC. Ce sont les membres du comité qui ont entendu le témoignage, y compris le sénateur lui-même, qui devront en déterminer les mérites.

Le sénateur Mitchell : Madame le leader a raison : les gens penseront bien ce qu'ils voudront de son témoignage. Cependant, il serait particulièrement pertinent d'entendre l'opinion du ministre Toews. Je me demandais simplement si madame le leader ne pouvait pas lui demander ce qu'il en pense.

J'ai une autre question. Le projet de loi C-42 accorde au commissaire Paulson le pouvoir de se débarrasser des mauvais éléments de l'organisation, pour reprendre ses propres propos. D'aucuns sont d'avis — et le commissaire et d'autres voudraient défendre ce point de vue — que les pommes pourries sont les personnes qui font du harcèlement. Toutefois, à la suite de l'attaque agressive lancée hier par le commissaire à l'endroit de trois subalternes qui, de toute évidence, ont été victimes de harcèlement, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux attendre que le commissaire Paulson puisse nous expliquer qui sont, selon lui, les pommes pourries au sein de la GRC avant de lui accorder des pouvoirs de ce genre.

(1450)

La sénatrice LeBreton : De nouveau, je précise que je ne ferai pas d'observations sur le témoignage du commissaire. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il a exprimé son point de vue de façon très directe et avec honnêteté. En tant que commissaire, il lui incombe d'administrer la GRC.

Le Sénat a été saisi du projet de loi C-42. Il lui appartient maintenant de l'étudier. Je ne pense pas que le témoignage livré hier soir par le commissaire nuise au processus législatif du projet de loi C-42.

Le sénateur Mitchell : Il faut toutefois se poser plusieurs questions au sujet du projet de loi C-42. Premièrement, le projet de loi C-42 décrit trois ou quatre processus qui seront établis pour faire face aux problèmes après coup. Il accorde des pouvoirs au commissaire pour qu'il puisse congédier des membres; il accorde des pouvoirs en matière d'enquêtes sur des incidents graves; il accorde des pouvoirs en vue d'établir un nouveau processus de règlement des griefs; et il accorde de nouveaux pouvoirs à la commission d'examen public. Tous ces pouvoirs visent à régler les problèmes après coup. À la GRC, le vrai problème est de nature culturelle, et c'est cette culture qui est à l'origine du harcèlement et de l'intimidation. Comment le gouvernement peut-il croire que le projet de loi C-42 permettra de régler ce problème? C'est tout simplement impossible.

La sénatrice LeBreton : Cette question a été abondamment débattue au comité. Le président du comité, le sénateur Lang, a répondu aux préoccupations. Le projet de loi est de toute évidence nécessaire pour renforcer et améliorer le fonctionnement de la GRC. C'est un bon projet de loi, et j'espère que nous l'appuierons lorsque nous en serons saisis.

La Gendarmerie royale du Canda—La protection des subordonnés

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également à madame le leader du gouvernement au Sénat et concerne les trois subordonnés qu'a mentionnés le sénateur Mitchell. Madame le leader peut-elle assurer à la Chambre et au public que le nouveau commissaire ne fera pas subir des conséquences excessives à ces trois personnes et qu'elles auront l'occasion de gravir les échelons au sein de la GRC?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, on parle ici de ce qui s'est dit au comité. Or, je réponds pour le gouvernement au Sénat. La GRC est un organisme indépendant. Le commissaire Paulson dirige la GRC. Si je prenais la parole au Sénat et laissais entendre que je m'ingère dans les activités de la GRC, le sénateur Moore réclamerait ma tête.

Les propos tenus par le commissaire Paulson hier soir devant le comité ont bien été rapportés, qu'on partage ou non son avis. C'est du domaine public. Le comité décidera ce qu'il pense de ce témoignage et en tiendra compte pour faire des recommandations.

Loin de moi l'idée, en tant que leader du gouvernement au Sénat, de m'ingérer dans ce dossier de quelque façon que ce soit. Je veillerai cependant à ce que le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, obtienne une copie de la transcription de la période des questions du Sénat, afin qu'il soit au courant du point de vue des sénateurs Moore et Mitchell.

Le sénateur Moore : J'en remercie madame le leader.

Par le passé, je lui ai posé des questions ici à propos de la GRC, et c'est le ministre Toews, pas le commissaire ou un autre officier de la Gendarmerie, qui y a répondu. Les ministres ont donc certainement leur mot à dire sur les opérations de la Gendarmerie. J'espère que madame le leader transmettra ce message au ministre Toews.

Cela me préoccupe beaucoup. Il est inacceptable qu'un nouveau commissaire fasse ce genre de remarques désagréables et qu'il s'attaque à des personnes, et j'espère vraiment que madame le leader communiquera ce message au ministre Toews.

La sénatrice LeBreton : Quand les sénateurs me posent des questions à titre de leader du gouvernement au Sénat, je n'ai d'autre choix que de faire appel au ministre compétent. Les questions sur la GRC relèvent de la responsabilité politique du ministre de la Sécurité publique, et c'est la seule façon dont je peux répondre à ces questions.

Je peux assurer au sénateur Moore que j'informerai le ministre Toews des préoccupations qui ont été exprimées au Sénat aujourd'hui.


ORDRE DU JOUR

Décision de la présidence

Le vingt-quatrième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le 28 mai, l'honorable sénateur Harb a soulevé une question de privilège sur une ingérence extérieure présumée dans les affaires internes du Sénat. La question concernait, en particulier, les travaux du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui avait entrepris un examen des frais de subsistance réclamés par certains sénateurs.

Le sénateur Harb soutenait que cette ingérence extérieure avait influé sur le processus ayant abouti aux trois rapports sur ces frais présentés par le comité à ce jour, que cela avait causé des préjudices à la réputation du Sénat et qu'il y avait donc eu violation du privilège.

Depuis la présentation de cette question de privilège, le dernier des trois rapports a été adopté et le sénateur Harb a pris la parole sur le vingt-quatrième rapport, qui portait sur ses dépenses.

[Français]

Plusieurs sénateurs ont pris la parole sur cette question de privilège. Le sénateur Carignan a souligné que le sénateur Harb avait fait valoir des arguments semblables à ceux invoqués dans des questions de privilège antérieures ayant déjà fait l'objet de décisions. Le leader adjoint du gouvernement a ajouté qu'il existe d'autres procédures parlementaires pour régler ces questions. Le sénateur Carignan a aussi parlé des mécanismes dont disposent les commissaires à l'éthique.

[Traduction]

Le sénateur Nolin a ensuite encouragé le sénateur Harb à participer au débat, ce qu'il a fait plus tard, tandis que la sénatrice Cools a exhorté le Sénat à faire preuve de prudence dans cette affaire. Enfin, la sénatrice Andreychuk a clarifié le rôle des commissaires à l'éthique.

Tel que mentionné dans une décision rendue le 28 mai, il ne faut pas sous-estimer la gravité de la situation actuelle pour le Sénat. C'est la confiance du public envers notre institution qui est en jeu ici. Nul doute que les sénateurs ont entrepris un examen sérieux de ces questions, comme en témoignent les délibérations sur les rapports du Comité de la régie interne. Même si de nombreuses possibilités s'offrent au Sénat pour l'étude de ses travaux, le Président, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur une question de privilège, doit s'en remettre au Règlement du Sénat et baser son évaluation sur les quatre critères de l'article 13-3(1) du Règlement, qui doivent tous être respectés.

[Français]

Le sénateur Harb estime que le premier critère a été respecté, car sa question de privilège fait suite à de nouveaux renseignements. Sans remettre la chose en question, les sénateurs devraient se demander si chaque fait nouveau justifie la présentation d'une question de privilège qui reprend des arguments invoqués précédemment. Cette mise en garde est tout à fait indiquée dans le cas présent, car il s'agit d'une troisième décision.

[Traduction]

À l'examen des deuxième et troisième critères — que la question se rapporte directement aux privilèges du Sénat et qu'elle vise à corriger une atteinte grave et sérieuse —, il ne faut pas oublier que le Sénat a le droit exclusif de réglementer ses affaires internes, c'est-à- dire le droit d'être maître de ses débats, du programme de ses travaux et du déroulement de ses délibérations. Comme cela a déjà été souligné dans une décision précédente, la procédure suivie par le Sénat pour l'examen des rapports du Comité de la régie interne constitue un exercice de ce pouvoir. Ces rapports ont donné lieu à des décisions du Sénat au terme du débat public prévu par le Règlement et les pratiques. Le sénateur Harb a participé au débat. Le droit du Sénat de réglementer ses affaires internes a été respecté. Ni le deuxième critère ni le troisième critère n'ont donc été respectés.

Passons maintenant au quatrième critère de l'article 13-3(1) du Règlement selon lequel la question de privilège doit chercher « à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire ». Le Sénat a reçu divers rapports portant sur les frais de subsistance réclamés par des sénateurs. Le rapport sur les frais réclamés par le sénateur Brazeau a été adopté avant la présentation de cette question de privilège. Le rapport sur les frais réclamés par le sénateur Duffy a été renvoyé au comité, qui l'a modifié. Le rapport modifié a ensuite été adopté par le Sénat. Le rapport sur les frais réclamés par le sénateur Harb était encore à l'étude au Sénat quand la question de privilège a été soulevée. Une motion proposant son renvoi au comité avait été présentée, mais a été rejetée par la suite, et le rapport a été adopté.

(1500)

[Français]

Les différentes actions entreprises par le Sénat relativement à ces rapports montrent clairement qu'il existe diverses procédures parlementaires pour présenter les préoccupations faisant l'objet de la question de privilège. Tous les sénateurs ont eu la possibilité de prendre la parole lors du débat sur les rapports, et le sénateur Harb s'est lui-même prévalu de ce droit. Le Sénat a maintenant rendu une décision sur tous les rapports, et la question de privilège du sénateur Harb ne respecte pas le quatrième critère.

[Traduction]

Puisque les critères prévus à l'article 13-3(1) du Règlement ne sont pas respectés, il n'y a pas matière à question de privilège.

[Français]

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénatrice Martin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénatrice Hubley, que le projet de loi C-42 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 12, à la page 9, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit :

« des catégories de membres, qui doivent comprendre des catégories de membres exerçant des fonctions essentiellement semblables à celles qu'exercent des officiers et des membres autres que des officiers à l'entrée en vigueur du présent article. »;

b) à l'article 13, à la page 9, par substitution, à la ligne 36, de ce qui suit :

« a) déterminer des catégories de membres, qui doivent comprendre des catégories de membres exerçant des fonctions essentiellement semblables à celles qu'exercent des officiers et des membres autres que des officiers à l'entrée en vigueur du présent article; »;

c) à l'article 86, à la page 118,

(i) par substitution, à la ligne 30, de ce qui suit :

« tel que défini à cette date, à l'exception de celui qui était membre à la date de la sanction de la présente loi, qui ne fait partie »,

(ii) par substitution, à la ligne 38, de ce qui suit :

« Gendarmerie royale du Canada, à l'exception de celle qui était membre à la date de la sanction de la présente loi, qui ne fait ».

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je voudrais parler au sujet de ce projet de loi ainsi que de cet amendement. Cette motion très importante concerne plusieurs fonctionnaires publics.

[Traduction]

Je veux simplement parler de cette question pour en souligner l'importance et insister sur la nécessité d'apporter plusieurs corrections au projet de loi C-42, du moins cette correction-ci. Cet amendement, proposé par le sénateur Day, porte sur la question qui est soulevée par le projet de loi C-42. Il est intéressant que le projet de loi C-42 soit perçu — en grande partie, dans l'esprit des gens et, certainement, dans la plupart des messages du gouvernement — comme un moyen de régler les problèmes, je dirais même les problèmes de culture, à la GRC.

De manière générale, le débat a porté essentiellement sur le pouvoir de congédier, les processus d'examen internes actuellement en vigueur, les enquêtes sur les incidents graves et ainsi de suite. Étrangement, cet aspect des changements apportés au statut des membres civils de la GRC est passé inaperçu. On dirait presque que c'est un projet de loi omnibus qui, jusqu'à un certain point, mélange les pommes et les oranges. Toutefois, paradoxalement, il se pourrait bien que la disposition visant à modifier le statut des membres civils ajoute encore plus à la complexité de la culture de la GRC.

S'il était adopté, cet élément du projet de loi ferait en sorte que les membres civils de la GRC deviendraient de facto, et arbitrairement à bien des égards — arbitrairement voulant dire qu'aucun détail n'a été réglé —, des employés de la fonction publique. Cela a de graves conséquences. Par exemple, lorsque, au comité, nous avons interrogé des témoins pour en savoir plus, il a été clair qu'il n'existe pas nécessairement — en tout cas pas pour l'ensemble des 4 000 postes en jeu ici —, dans la fonction publique, de postes comparables à ceux qui existent actuellement à la GRC. Voilà pourquoi cela complique les choses.

Plusieurs personnes occupent leur poste depuis très longtemps. Elles ont été embauchées dans des circonstances particulières et profitent de droits particuliers associés à ces postes. Tout cela pourrait maintenant changer sans préavis. Permettez-moi d'élaborer.

Ces gens bénéficient en effet de certains droits. Par exemple, leur droit à la pension va changer du tout au tout. Tout cela est aggravé par le fait que leurs droits en général, et leur droit à la pension en particulier, ne seront plus les mêmes après l'adoption de ce projet de loi. Le Conseil du Trésor aura le pouvoir de gérer tout cela. Lorsqu'on leur a posé la question, les représentants du Conseil du Trésor ont dit qu'ils voulaient être justes tant envers les employés qu'envers le gouvernement. Il est difficile d'imaginer comment ces deux notions pourraient coexister. En fait, cette déclaration est de mauvais augure, car être juste envers le gouvernement signifierait modifier le statut et réduire les salaires, les avantages sociaux et les droits de ces travailleurs qui avaient été embauchés selon d'autres conditions, et qui pourraient voir ces conditions modifiées arbitrairement.

Honorables sénateurs, il est en outre apparu clairement, lorsque le comité a entendu les témoins, qu'aucun groupe, aucun organisme, ni aucune personne ne défendent actuellement les intérêts des membres civils de la GRC, qui seront forcés de faire cette transition. S'ils avaient le choix de passer volontairement de la GRC à la fonction publique, ce serait une autre histoire, mais ils n'ont pas le choix. Ils n'auront jamais eu leur mot à dire dans l'affaire. Rien n'indique clairement que la défense de leurs intérêts sera assurée officiellement et solidement au sein des institutions. Tout à coup, une fois le projet de loi adopté, ils devront subir ces changements sans disposer de quelque recours que ce soit.

Honorables sénateurs, c'est pour cette raison que j'applaudis les efforts du sénateur Day en vue de modifier ce projet de loi de manière à rectifier cette situation. Je voudrais simplement terminer en disant que, peu importe ce que le gouvernement pense de l'État en général et de la fonction publique, il demeure l'employeur de ces personnes. Nous savons tous, y compris ceux qui prennent souvent le secteur privé comme exemple de la manière dont les grandes organisations devraient traiter leurs employés, que l'on ne peut pas simplement traiter arbitrairement les employés loyaux qui fournissent des services au public avec courage et dévouement. Il faut tout faire pour qu'ils soient traités en toute équité.

Il y a un risque réel que certains problèmes techniques viennent nuire à la lutte contre la criminalité. Plusieurs de ces personnes exercent des fonctions qui relèvent du domaine de la police. En sortant ces personnes du contexte des services de police — pas les personnes qui occupent ces postes actuellement, mais celles qui les occuperont à l'avenir —, on risque de limiter leur capacité à s'acquitter de leurs fonctions, qui ne pourront pas être aussi bien remplies hors du milieu d'un service de police, dans le contexte plus général de la fonction publique.

Je soulève ces points pour appuyer les sénateurs qui ont présenté cette motion d'amendement et pour demander à mes collègues du Sénat de l'adopter.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'aimerais poursuivre le débat sur l'amendement au projet de loi C- 42 présenté par le sénateur Day.

Ce sujet ne nous prend pas par surprise puisqu'il a été significativement débattu au comité. Malgré plusieurs discussions sur le sujet, la problématique reste toujours la même.

Je crois que cette dimension du projet de loi, soit les problèmes liés aux ressources humaines, n'a aucune raison d'être. On parle ici de la gestion d'environ 10 000 civils de la GRC qui exige la coordination de trois éléments de ces civils, soit les officiers œuvrant à la GRC, les fonctionnaires classiques ainsi que les contractuels.

(1510)

La GRC a sans doute pu convaincre le gouvernement qu'il ne suffisait pas de faire du nettoyage et de donner certains pouvoirs au commissaire, il faut aussi mettre de l'ordre dans le cadre administratif en ce qui a trait aux besoins de ces quelque 4 000 personnes à la GRC qui sont des officiers civils. Je soulève ce point compte tenu du principe fondamental de loyauté qui émane de la question. Ces personnes, depuis des décennies, se considèrent membres de la GRC. Les membres de la GRC les considèrent ainsi, à un point tel qu'ils les incluent dans leurs données.

À la Défense nationale, on a les militaires et les fonctionnaires. Lorsqu'on demande à la Défense nationale combien elle compte de membres, elle répond qu'elle compte 80 000 militaires et 20 000 fonctionnaires civils.

À la GRC, on parle de 4 000 personnes. Ceux et celles qui sont vêtus d'une tenue écarlate, coiffés de leur couvre-chef, se promenant parfois à cheval, comptaient ces 4 000 personnes parmi ceux et celles qui portaient l'uniforme. Ils ont été intégrés. Ils ont été amenés dans la famille et ont été sous le joug du commissaire, du point de vue de la discipline et de la performance. Ils étaient donc, essentiellement, des membres de la GRC vers qui le commissaire pouvait se tourner pour remplir leurs fonctions, jouissant de toute l'autorité nécessaire pour assurer leur pleine efficacité et permettant aussi de corriger certains problèmes qui existaient parmi eux.

Du jour au lendemain, un nouveau projet de loi voit le jour. On cherche à modifier certains éléments de la GRC. Qui plus est, on leur dit qu'ils ne sont plus considérés comme membres de la GRC, mais comme membres de la fonction publique. Il n'est pas péjoratif de faire partie de la fonction publique. Dans une démocratie comme la nôtre, on a un respect fondamental pour une fonction publique responsable. L'éthique est également une philosophie de la fonction publique dont tous les membres sont imprégnés. De ce fait, ils se sentent responsables et prêts à remplir leur rôle, pour la meilleure gouvernance de notre pays, et à assister le gouvernement au pouvoir pour qu'il puisse jouer son rôle. Être fonctionnaire n'est donc pas péjoratif.

À la Défense nationale, quand j'étais sous-ministre responsable du personnel, j'étais responsable de 80 000 militaires et on comptait à cette époque environ 32 000 civils. J'étais responsable de ces deux groupes. Je les ai séparés car ils travaillaient en vertu de lois différentes. Je n'avais ni autorité ni discipline sur ces civils car ils étaient régis par des règles de la fonction publique. On a donc créé le poste de sous-ministre adjoint aux ressources humaines militaires et celui de sous-ministre adjoint aux ressources humaines civiles.

Il est reconnu, dans cette ville, que les fonctionnaires les plus loyaux se trouvent à la Défense nationale. Ils sont respectés et, dans ce contexte, structurés en conséquence.

Dans le cas de la GRC, on dit que ses membres civils deviennent fonctionnaires. Encore une fois, ce n'est pas péjoratif. Ce qui est péjoratif, dans le désir de toucher plusieurs éléments sans toucher à l'élément principal, est le fait qu'on ait voulu régler un problème administratif en disant que ces gens ne font plus partie de la GRC, mais sont désormais fonctionnaires. Cela porte atteinte à leur loyauté. Du même coup, cela enlève au commissaire beaucoup d'autorité sur ces personnes, qui sont tout à fait essentielles, de par leurs compétences particulières, pour remplir les objectifs sur le plan des forces policières. On va ainsi créer une turbulence significative, tout en retirant au commissaire de la GRC beaucoup de pouvoirs dans la réalisation de sa mission.

Pire encore, le péché réside dans le fait qu'on ne leur a pas dit à quoi s'en tenir. On ne leur a pas dit, dans la fonction publique, ce à quoi ils peuvent s'attendre. On ne leur a pas dit quel travail qu'ils auront à faire, la façon dont ils seront, les détails de leur pension de retraite ou quelles seront leurs conditions salariales. D'autre part, les individus perdront-ils des bénéfices marginaux en quittant la GRC pour la fonction publique? Les individus perdront-ils quelque chose du point de vue salarial, selon la nouvelle classification? Ce travail, pour ces 4 000 personnes, n'a pas été fait. On les précipite dans la fonction publique et on leur dit que le Conseil du Trésor fera son possible pour qu'ils ne soient pas brimés dans leurs avantages et dans la reconnaissance de leurs compétences.

On ne peut commettre un acte semblable sur la promesse qu'on répondra aux besoins de ces personnes. Il faut tout de même se baser sur des études pour savoir comment considérer ces qualifications spécifiques propres à un domaine particulier et déterminer les bénéfices auxquels on peut s'attendre. Or, on n'a même pas fait cet exercice. Sans avoir préparé le terrain, on arrache à ces personnes leur loyauté, leur identité et leur présence, du fait qu'elles ne font plus partie de la GRC. Nous sommes fiers de la GRC. Non seulement ils n'en font plus partie, mais en plus on espère que tout se passera bien. Le commissaire de la GRC devra ensuite ramasser les pots cassés si on n'est pas satisfait. C'est ce qui risque de se produire si la façon dont ces gens ont été traités n'a pas répondu à leurs attentes, si les bénéfices sont moindres, si certains sont déclassés du point de vue de la reconnaissance. Si tous ces problèmes surviennent, le commissaire sera pris avec cette situation — et on parle de 4 000 personnes. Le commissaire sera celui qui devra nettoyer et régler ces problèmes, sans avoir pu préparer le terrain.

Du point de vue de la loyauté, on laisse ces personnes quitter la GRC pour la fonction publique sans répondre à leurs attentes ni garantir qu'elles ne seront pas pénalisées. On aurait pu insérer une clause grand-père qui garantirait que ces personnes ne subiraient aucune perte au titre des bénéfices marginaux, des salaires et des pensions. Cette clause aurait pu également prévoir que leur classification ne serait jamais mise à risque par ce transfert de la GRC vers la fonction publique. Cette mesure n'aurait pas coûté 300 millions de dollars. Elle n'aurait représenté qu'un montant infime si l'on compare avec ce que le commissaire devra faire pour ramasser les pots cassés, pour régler les litiges que ces personnes, car elles y ont droit, déposeront, pour assumer la perte d'autorité sur leur performance, sans compter le mécontentement qui risque d'affecter les opérations.

Honorables sénateurs, il était inutile d'inclure une telle mesure dans le projet de loi. Le nettoyage aurait pu se faire autrement. Inclure une telle mesure, en vitesse, dans ce texte de loi, dont je vais parler dans quelques instants, est un attrape-nigaud qui créera énormément de friction.

(1520)

Plusieurs personnes seront punies, non seulement en quittant la GRC, mais sans vraiment savoir où elles s'en vont; cela les protégera et elles pourront continuer, d'une façon un peu différente, à servir loyalement la GRC.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Day, avec l'appui de l'honorable sénatrice Hubley, propose, dans une motion d'amendement, que le projet de loi C-42 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois mais qu'il soit modifié : a) à l'article 12, à la page 9, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Suffit!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Les whips se sont-ils entendus au sujet de la sonnerie?

L'honorable Jim Munson : Nous aurions besoin que la sonnerie retentisse pendant une heure. Nous avons un certain nombre de sénateurs ici et là. Je m'explique, car je suis ouvert et transparent. Certains sénateurs mettront une heure pour revenir, alors la sonnerie retentira pendant une heure.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, il est maintenant 15 h 20. Le vote aura donc lieu à 16 h 20.

(1620)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Callbeck Joyal
Campbell Kenny
Chaput Lovelace Nicholas
Cordy McCoy
Cowan Mitchell
Dallaire Moore
Day Munson
Dawson Ringuette
De Bané Rivest
Dyck Robichaud
Eggleton Sibbeston
Fraser Tardif
Furey Watt—29
Hervieux-Payette

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McInnis
Ataullahjan Martin
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Black Nancy Ruth
Boisvenu Neufeld
Braley Ngo
Buth Nolin
Carignan Ogilvie
Champagne Oh
Comeau Oliver
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Eaton Raine
Enverga Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Seidman
Gerstein Seth
Greene Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Johnson Tannas
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wells
Marshall White—58

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools Harb—2

Son Honneur le Président : Le vote porte sur la motion principale. Nous discutons de la motion principale.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, en qualité de critique de ce projet de loi, j'espère, cet après-midi, apporter une conclusion au débat sur ce projet de loi qui est, je dirais, essentiel.

Ce projet de loi pourra-t-il vraiment aider la GRC à ramener un niveau de transparence et de responsabilisation au sein de son organisation, afin de rétablir la confiance que la population canadienne avait en cette institution, reconnue mondialement comme l'une des meilleures et qui est, de plus, probablement la mieux habillée dans le monde entier? C'est toujours avec fierté que l'on voit les membres de la GRC vêtus de leur uniforme écarlate participer à des activités partout au pays.

La perte de confiance en une organisation qui se présente avec autant de fierté, d'élégance et d'éclat risque de créer une opinion de la population qui serait probablement pire que la réalité avec laquelle elle compose ces jours-ci.

On ne veut pas rire de nos membres de la GRC, on veut en être fier. On réalise qu'il y a plus derrière la GRC que l'uniforme écarlate, le chapeau, les bottes et les chevaux.

(1630)

La GRC est une entité nationale, provinciale et municipale. Elle est même une entité internationale puisque plusieurs de ses membres sont déployés au sein de des missions de maintien de la paix à travers le monde. Ils font un travail exemplaire et sont très en demande. Je les ai vus sur le terrain au Congo, au Soudan du Sud et en Haïti. Je les ai vus œuvrer dans des conditions effroyables, des conditions qui requièrent une patience à toute épreuve. Ils agissent toujours avec dignité, responsabilité et sont fiers de faire partie de la GRC et de représenter le drapeau et l'uniforme de notre pays.

Le projet de loi C-42 donne des outils au commissaire de la GRC pour mener à bon port cette organisation conservatrice, d'envergure et complexe. Il donne des outils pour lui permettre de l'amener à l'ère moderne, pour l'amener à répondre aux valeurs, aux normes, à l'éthique morale, et à toutes les exigences légales auxquelles s'attend la population canadienne. Si on voit, au sein de sa structure, des problèmes qui exigent des mesures rigoureuses, l'organisation aura la capacité de répondre à ce défi. Elle sera en mesure de s'auto- discipliner et, par la transparence, de montrer à la population canadienne qu'elle agit.

Le projet de loi C-42 veut faire en sorte que les membres qui ne rencontrent pas les normes établies, qui ne sont pas fiers de leur histoire et mettent en péril le prestige de cette organisation soient punis comme il se doit et assument les conséquences de leurs gestes. C'est à cela qu'on s'attend de la part d'une organisation où la discipline est fondamentale.

Nous avons eu un débat très intéressant, et je recommande à mes collègues d'y jeter un coup d'œil. Ce débat portait sur la GRC comme organisation paramilitaire. Dans sa structure, dans sa philosophie de leadership, dans son orientation opérationnelle, mais en particulier dans le développement de son personnel, la GRC est-elle vraiment une organisation paramilitaire essentielle de notre temps ou n'est-elle qu'une force policière? Elle est un peu spéciale, parce qu'elle œuvre à de multiples niveaux. Toutefois, n'est-elle qu'une force policière? Son travail à ce titre est-il accompli selon les normes établies? Selon les témoignages entendus, la vaste majorité des membres performent avec excellence, dévouement, don de soi et courage, et certains au prix de leur vie. On se soucie d'ailleurs de voir les membres de la GRC être la cible des armes et mourir aux mains d'entités qui souhaitent du mal à certains éléments de notre société. Les membres de la GRC paient de leur vie et sont prêts à le faire. La GRC reconnaît les sacrifices de leurs membres et de leurs familles. Ils agissent donc en conséquence. On tient pour acquis que l'on minimise les risques pour ces membres. De ce fait, on soutient les membres de la GRC et leurs familles, qui ont subi ces conséquences si extrêmes.

Revenons au projet de loi C-42. Mon but n'est pas de passer en revue l'aspect technique de ce projet de loi, car nous l'avons déjà fait et nous en avons débattu. D'ailleurs, je me dois de féliciter le président du Comité de la sécurité nationale et de la défense. Il a fait preuve d'ouverture en incluant des observations au projet de loi afin de définir certains éléments qui, selon nous, devaient être portés à l'attention de ceux qui auront la responsabilité de l'appliquer.

Bravo à l'honorable sénateur Lang pour nous avoir guidés et aidés à articuler ces éléments pour que l'on puisse préciser les sections qui méritent davantage d'attention. Ces éléments refléteront ce dont on s'attend du commissaire, de ses commandants subordonnés, de toute la chaîne hiérarchique de la GRC et des entités qui ont une responsabilité de supervision. On a aussi voulu mettre en évidence le fait suivant : la GRC, et plus particulièrement son commissaire et sa chaîne de commandement, devront être en mesure de faire honneur aux nouveaux pouvoirs et responsabilités qui leur seront confiés. Ils devront être en mesure de bien comprendre l'envergure des problèmes au sein de l'organisation et de prendre les moyens pour les rectifier.

Il ne fait aucun doute qu'une organisation paramilitaire a une philosophie différente d'une organisation de force policière traditionnelle. On retrouve au sein de cette dernière une chaîne hiérarchique davantage basée sur des normes civiles. Il y a un syndicat, une supervision étroite de la population et des autorités surtout municipales, mais aussi provinciales. De ce fait, l'organisation peut parfois passer outre sa responsabilité de se doter d'un personnel de qualité. Il arrive que certaines personnes bifurquent en agissant de façon inacceptable et en posant des gestes intolérables. Ces gestes sont dommageables non seulement pour la réputation de l'organisation, mais aussi pour les membres qui, à l'occasion et, semble-t-il, trop souvent, deviennent victimes de ces personnes, soit par abus de pouvoir, soit par une philosophie de vie ou de leadership. Cette philosophie met en perspective, notamment, l'homme en uniforme par rapport à la femme en uniforme.

Fondamentalement, la GRC a-t-elle été en mesure d'accepter pleinement que l'uniforme, si respecté, puisse être porté avec autant de fierté, de courage, de capacité et de compétence par des femmes que par des hommes? Ou alors cette organisation perçoit-elle toujours la présence masculine comme le haut point et la présence féminine comme partielle? Cette perception nous permet-elle de voir des lacunes sur le plan du respect, de l'accompagnement et de la cohésion des organisations? Malheureusement, mène-t-elle, à l'extrême, à poser des agissements qui dépassent tout entendement au sein d'une telle organisation?

(1640)

En ce qui concerne le harcèlement sexuel ou autre, j'aimerais vous raconter une anecdote, car j'ai eu l'occasion de travailler avec des gens de la Division « C » du Québec et nombre de membres de la GRC en service outre-mer. Récemment, j'ai été invité à donner des conférences sur le leadership dans le sud-ouest de l'Ontario, car on croyait qu'il fallait peut-être revoir les normes de leadership.

Deux policières de la GRC sont venues m'accueillir à l'aéroport avec une voiture non marquée. La première chose qu'elles ont faite a été de me prendre en photo. En tant que politicien, je suis habitué à me faire prendre en photo. Lorsqu'elles ont pris la photo, elles se sont placées d'une façon qui mettait en évidence leur pistolet. J'ai trouvé cela très intéressant. Nous avions deux heures de voyage à faire. Nous jasions de choses et d'autres et, à un moment donné, je leur ai posé une question peut-être embarrassante, mais qui, selon moi, reflétait l'expérience que j'ai vécue dans les forces armées pendant les années 1990. Ces années de réforme ont commencé parce que l'opinion de la population canadienne à notre égard nous avait relégués au dernier rang, et que son niveau d'estime à notre endroit n'était que de 17 p. 100. Aujourd'hui, ce pourcentage a grimpé à 86 p. 100 environ.

Je leur ai demandé si elles connaissaient l'expression « Les gars, c'est des gars! » Sans même une seconde d'hésitation — l'une faisait partie de la GRC depuis quatre ans, et l'autre depuis 27 ans ±, elles m'ont répondu : « On l'entend toutes les semaines! »

Que veut dire cette expression? Lorsqu'une plainte est déposée, parce qu'un homme du personnel a fait des attouchements, des avances, et a peut-être même été indécent...

Puis-je avoir cinq minutes de plus, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Merci. Ces faits, lorsqu'ils sont amenés devant les autorités, sont traités futilement. La réponse est que ce n'est pas grave, que les garçons sont des garçons. Il faut vivre avec cela.

J'ai demandé à ces femmes pourquoi elles toléraient cela. Elles ont dit tolérer cela parce qu'elles sont incapables de faire quoi que ce soit. La chaîne de commandement n'est pas habituée à prendre des actions vigoureuses, à appliquer une politique de tolérance zéro et à prendre en main les individus qui agissent de la sorte.

L'une d'entre elles m'a raconté aussi que, dans le bureau de son patron, il y avait un calendrier explicite, qui frôlait pornographie. Mon père était mécanicien. Des calendriers, on en retrouvait dans tous les garages de l'est de Montréal. Tous les garages en distribuaient. Certains diront que c'était le bon temps, mais tout de même, c'était la culture du temps. L'agente lui a dit que c'était contre le Code de discipline de la GRC, que c'était un manque de respect à l'endroit du code, qui contient des normes contre le harcèlement sexuel. Il a dit que c'était son bureau, qu'il aimait cela et que le calendrier resterait là. La semaine suivante, dans le même QG, elle a eu affaire, dans le même bureau, à trois autres officiers supérieurs qui avaient le même calendrier. Il y a un petit problème ici.

D'une part, le projet de loi C-42 donnera le pouvoir de faire le ménage et d'élever les normes au niveau que l'institution s'est fixé non seulement pour maintenir sa réputation, mais également pour protéger ses membres et leur permettre de s'épanouir, les femmes comme les hommes.

D'autre part, tout cela ouvre la porte à une réforme en ce qui concerne la direction chez les officiers supérieurs afin de leur inculquer les valeurs essentielles propres à notre police nationale. Sa réputation d'être la meilleure doit continuer. Il faut une réforme de fond chez les officiers supérieurs quant à la sélection et à la préparation des officiers qui veulent monter en grade. Il faut des instructions beaucoup plus claires quant à l'intolérance relativement au harcèlement, et il faut que ceux qui agissent dans l'illégalité soient traités comme tels. Que l'on n'entende plus dire : « Ah, c'est un bon gars, cela fait 20 ans qu'il est là. Il a commis une petite erreur. » Alors qu'ailleurs, on qualifierait le geste de viol, ici ce n'est qu'une petite erreur. Dans le Cruiser, le soir, c'était long, c'était ennuyant...

Une des solutions à ce problème est de muter le fautif. On se débarrasse de lui en l'envoyant ailleurs. L'autre solution trop souvent utilisée consiste à muter la victime. C'est elle qui se ramasse à un autre endroit, avec tout son bagage, avec l'autre gang qui l'attend là-bas.

Il y a un besoin profond de responsabilisation de cette chaîne de commandement à se gouverner de manière à entrer dans une ère de modernité afin de respecter le personnel et lui permettre de croître.

Dans les forces armées, j'étais responsable de la réforme du corps des officiers, qui comprenait près de 12 000 officiers, du général jusqu'au lieutenant. Après cette réforme, il y a eu celle des sous- officiers, qui étaient de plus de 20 000, d'adjudant-chef à caporal. Ce fut un travail d'envergure qui nous a été imposé parce que nous nous étions conduits comme des imbéciles. Nous avons commis des erreurs. Souvenez-vous de la Somalie. Nous nous sommes aperçus qu'il ne s'agissait pas que de quelques exceptions, quelques individus qui faisaient des choses stupides, mais, en fouillant un peu plus loin, on avait perdu cette capacité de s'autogérer. Le ministre nous a obligés à former des comités externes parce qu'il voulait s'assurer que nous mettions en œuvre les réformes nécessaires pour établir le respect et la discipline interne des forces armées.

C'est ce dont a besoin la GRC. Le projet de loi amène cela, mais il ne va pas assez loin, surtout, selon l'amendement que j'ai proposé, en ce qui concerne son manque de loyauté envers son personnel civil. Le projet de loi C-42 contient beaucoup de bonnes choses, mais, sans une réforme de fond et un volet précis qui l'engage vis-à- vis de son personnel civil, il recèle des lacunes importantes. Je vous remercie.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Avec dissidence.

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Adoptée, avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1650)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, projets de loi, article no 1 :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénateur McIntyre, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-16, Loi modifiant le Code criminel (contrebande de tabac).

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-16, Loi modifiant le Code criminel (contrebande de tabac). Tous les sénateurs connaissent les risques pour la santé qui sont associés à l'usage du tabac. J'appuie toute mesure législative qui vise à réduire l'usage du tabac parmi les Canadiens et à les dissuader, en particulier les jeunes, de commencer à fumer. Les personnes qui commencent à fumer à un jeune âge ont davantage tendance à continuer de le faire.

Le projet de loi S-16 porte sur le tabac de contrebande. Lorsqu'il est question de tabac de contrebande, cela suppose la participation du crime organisé, des pertes de recettes fiscales pour les gouvernement fédéral et provinciaux, et d'importantes pertes de revenus pour les propriétaires de dépanneurs qui vendent légalement des produits du tabac, car les vendeurs de produits du tabac de contrebande ne respectent pas les règles. Selon une étude de l'Institut Macdonald-Laurier, les pertes de recettes fiscales varieraient entre 900 millions de dollars et 1,2 milliard de dollars par année.

Le tabac de contrebande est étroitement lié à la contrebande et au crime organisé. Les personnes qui se livrent à la contrebande des produits du tabac trempent probablement dans d'autres activités illégales. Les profits de la vente de tabac de contrebande servent souvent à financer d'autres activités illégales.

Les gouvernements précédents ont adopté plusieurs mesures législatives dans le but de réduire la consommation des produits du tabac au Canada : restrictions publicitaires, mises en garde explicites sur les emballages des produits du tabac, interdiction de vendre ces produits à des personnes âgées de moins de 18 ans, interdiction de présenter des produits du tabac dans les magasins, et restrictions concernant les produits du tabac aromatisés, qui attirent les enfants et les incitent souvent à commencer à fumer.

Des études ont montré que c'est surtout le coût, encore et toujours, qui a un effet dissuasif sur la consommation de cigarettes. Plus le coût est élevé, moins les gens fument. Malheureusement, le coût exorbitant des cigarettes crée une demande pour les produits de contrebande, beaucoup moins chers. Comme le tabac de contrebande est vendu à prix moindre et qu'on ne vérifie pas l'âge des consommateurs, les jeunes peuvent facilement s'en procurer, alors qu'ils ne devraient pas fumer. Des études révèlent que, dans les écoles secondaires de l'Ontario, 33 p. 100 des cigarettes proviennent de la contrebande, un pourcentage qui atteint 40 p. 100 dans les écoles secondaires du Québec. Ces statistiques font peur, non seulement parce que cela pose des risques pour la santé, mais aussi parce que, comme nous le savons, les produits de contrebande sont distribués par le crime organisé.

Parmi les témoins qui ont comparu devant le Comité des affaires juridiques, plusieurs ont affirmé que, lorsque les taxes sur le tabac sont élevées, les produits vendus sur le marché noir gagnent en popularité. Pendant son témoignage, Alex Sholten, président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, a déclaré qu'il existe une corrélation claire entre l'augmentation des taxes et l'augmentation de la contrebande. La hausse des prix rend les produits de contrebande plus attirants pour les consommateurs.

Les produits du tabac vendus en contrebande contournent toutes les mesures et les vérifications mises en place par les gouvernements. Ils offrent aux consommateurs une option abordable et accessible. Une grande partie des produits de contrebande sont fabriqués dans des territoires des Premières Nations voisins des États-Unis, au Québec et en Ontario, et dans des centres de production non autorisés établis aux États-Unis. Ces centres ne sont soumis à aucun contrôle de la qualité. Dans bien des cas, les produits qui y sont fabriqués contiennent des contaminants et des impuretés.

J'ai été surprise d'entendre, pendant les audiences du comité, qu'une partie du tabac de contrebande vendu au Canada provient de la Chine. On trouve ces sacs de cigarettes de contrebande partout au pays. Il est donc facile d'un acheter un, à faible coût, tout en évitant les taxes.

Les forces de l'ordre concentrent leurs efforts sur les communautés des Premières Nations en raison de leur situation particulière. À titre d'exemple, le territoire d'Akwesasne chevauche l'Ontario, le Québec et les États-Unis. Les cigarettes de contrebande sont fabriquées dans la partie américaine du territoire, transférées illégalement du côté canadien, puis transportées à l'extérieur du territoire pour être vendues.

Des leaders d'Akwesasne ont dit être préoccupés par l'approche adoptée par le gouvernement à l'égard du projet de loi S-16. Ils craignent que leurs collectivités soient ciblées injustement, et qu'un nombre démesuré de poursuites judiciaires soient intentées envers leur peuple, quand on sait que la majorité de ceux qui prennent part à ces activités proviennent de l'extérieur de leur territoire, et que le crime organisé est le principal responsable de ces activités.

Sur le plan politique, le Conseil des Mohawks d'Akwesasne ne s'oppose pas catégoriquement à ce que propose le projet de loi S-16. Il se soucie cependant des conséquences du projet de loi. Le Conseil des Mohawks d'Akwesasne et les gouvernements de l'Ontario et du Québec ont travaillé ensemble afin d'établir un partenariat axé sur des intérêts communs. Il faudrait voir le même genre de collaboration entre le Conseil des Mohawks et le gouvernement fédéral. Environ un mois avant que le projet de loi soit examiné par le Comité sénatorial des affaires juridiques, le Conseil des Mohawks d'Akwesasne a reçu une ébauche du projet de loi aux fins d'examen, mais on ne l'a consulté ni à propos de la rédaction du projet de loi ni au sujet des dispositions créant l'infraction pénale. Le gouvernement fédéral aurait sûrement pu consulter le Conseil des Mohawks d'Akwesasne au sujet des problèmes liés à la contrebande de tabac et à la pluralité des gouvernements qui ont compétence relativement à Akwesasne. Si les gouvernements de l'Ontario et du Québec peuvent conclure un partenariat, le gouvernement du Canada peut certainement faire de même.

Voici ce qu'a dit le chef Brian W. David, membre du Conseil des Mohawks d'Akwesasne, devant le comité :

Akwesasne tire une fois de plus le signal d'alarme au sujet des répercussions que le projet de loi S-16 aura sur les Mohawks d'Akwesasne et avertit que c'est un autre pas dans la mauvaise direction. Cela ne fera que criminaliser davantage les membres de notre communauté et perpétuer une image négative d'Akwesasne. Ce n'est pas l'approche que nous avons proposée au Canada, à l'Ontario et au Québec pour trouver un moyen de résoudre efficacement le problème de la contrebande de tabac qu'Akwesasne pourra appuyer.

Le projet de loi S-16 donne aux forces de l'ordre et aux tribunaux un autre outil pour combattre le problème de la contrebande de tabac. Malheureusement, tant que les conditions du marché le permettront, et tant qu'il y aura de la demande pour des produits du tabac bon marché et facilement accessibles, il semble que ces activités se poursuivront.

Une approche à plusieurs volets est vraiment nécessaire pour mettre un terme à la contrebande du tabac. Il faut s'intéresser non seulement aux trafiquants, mais aussi aux consommateurs. Une meilleure collaboration avec nos voisins du Sud, nos homologues provinciaux ainsi que les chefs et les organismes policiers des réserves serait utile. Par ailleurs, il faudrait affecter plus de ressources à la lutte contre le tabagisme chez tous les Canadiens et conclure des partenariats à cette fin. S'il n'y a pas de demande, les activités criminelles cesseront.

Inclure la contrebande du tabac dans le Code criminel accentue, à mon avis, la connotation de criminalité liée à l'infraction. Interrogé au comité sur les tendances actuelles en matière d'imposition de peines et sur les peines minimales obligatoires, un représentant du ministère de la Justice a déclaré que le ministère n'avait pas analysé les tendances en matière d'imposition de peines en vertu de la Loi sur l'accise pour voir si les tribunaux étaient trop cléments. Il croyait que les tribunaux imposaient des amendes la plupart du temps, mais que, ces dernières années, ils avaient commencé à infliger des peines d'emprisonnement. Le ministère de la Justice a tout simplement demandé que soit élaboré un projet de loi insérant dans le Code des peines minimales obligatoires pour les délinquants récidivistes.

J'ai demandé à M. Trevor Bhupsingh, directeur général de la Division de l'application de la loi et des stratégies frontalières au ministère de la Sécurité publique, pourquoi nous allions de l'avant avec des peines minimales obligatoires si nous n'avions aucune preuve qu'elles étaient efficaces. Il a répondu qu'il n'avait pas d'étude montrant qu'elles ont un effet dissuasif là où elles sont appliquées et qu'il n'avait aucune preuve tangible à cet effet. Il a signalé que c'était l'approche que le gouvernement avait décidé d'adopter. Le gouvernement croit qu'une telle approche contribuera à régler le problème et que l'imposition de peines minimales obligatoires sera à la mesure de la gravité du crime commis.

La GRC met sur pied un groupe de lutte contre le trafic de tabac composé de 50 policiers. En outre, 10 agents des services policiers des Premières Nations seront affectés exclusivement à la lutte contre le crime organisé dans leurs collectivités. Je croyais qu'il s'agissait de 50 nouveaux postes, mais malheureusement, ce n'est pas le cas. Les 50 agents réaffectés proviennent d'autres secteurs prioritaires. Le groupe de travail sera financé à même les budgets existants. Je pense que la création d'un groupe de travail sur la lutte contre le tabac de contrebande composé de 50 agents et de 10 nouveaux agents de la GRC autochtones est une bonne idée, mais il est malheureux qu'il ne s'agisse pas de 50 nouveaux postes, que ce ne soit que des réaffectations. Qu'arrivera-t-il aux secteurs qui devront se passer d'eux?

(1700)

En ajoutant l'infraction de contrebande de tabac dans le Code criminel, nous espérons que les consommateurs s'enlèveront de l'esprit que ces produits leur permettent simplement d'éviter de payer des taxes et que ce ne sont que des cigarettes bon marché. On pourra ainsi leur rappeler qu'il s'agit d'une activité criminelle, et qu'il ne faut pas penser que ce crime ne fait aucune victime. Il s'agit d'un crime grave.

J'espère que l'ajout de ces infractions au Code criminel nous permettra de répondre aux attentes du surintendant Carson Pardy, qui a exposé au comité l'effet qu'il souhaitait obtenir. Je le cite :

[...] la Loi de la taxe sur le tabac de l'Ontario est une loi fiscale, et son effet dissuasif a à voir avec l'évasion fiscale liée à l'activité. Le projet de loi dont il est question a essentiellement pour effet de criminaliser la même activité et, à mon humble avis, la criminalisation de l'activité aura un effet dissuasif plus grand que les seules amendes.

On nous a parlé au comité des contraintes auxquelles les services de police provinciaux sont confrontés dans la lutte contre la contrebande de cigarettes s'ils ne collaborent pas avec la GRC. Il a été question d'une poursuite qui avait été rejetée parce que la Police provinciale de l'Ontario n'avait pas compétence au titre de la Loi sur les douanes. La Loi sur l'accise impose les mêmes contraintes. Voilà ce qui a incité le comité à formuler l'observation suivante afin que le gouvernement se penche sur la question; le comité croit en effet qu'elle aiderait les organismes d'application de la loi :

a) de modifier la définition du terme « agent » ou « agent des douanes » à l'article 2 de la Loi sur les douanes pour la libeller ainsi :

i) « agent » ou « agent des douanes » Toute personne affectée à l'exécution ou au contrôle d'application de la présente loi [...]; la présente définition s'applique aux membres de la Gendarmerie royale du Canada et aux corps de police provinciaux.

b) de désigner les corps de police provinciaux en vertu de l'article 10 de la Loi sur la taxe d'accise.

Je crois que le comité a formulé des observations fort judicieuses et j'espère que le gouvernement les examinera avec tout le soin voulu et qu'il procédera rapidement à cette modification fort utile pour lutter contre la contrebande de tabac.

Selon ce que nous avons entendu au comité, les forces de l'ordre « n'ont pas une idée très claire de l'ampleur de la contrebande ». Personne ne maîtrise vraiment le dossier. Espérons que la Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande de la GRC et la stratégie fédérale en la matière permettront de s'en faire une idée claire.

Chaque stratégie, chaque plan devrait avoir un objectif défini. Nous savons que les réseaux criminels organisés sont impliqués dans la production et la distribution de tabac de contrebande. Espérons que le projet de loi S-16 aidera les forces de l'ordre à trouver une solution à ce grave problème, mais il nous sera impossible de le résoudre tant que nous ne nous attaquerons pas à sa racine et que nous n'aurons pas une « idée très claire » du dossier, pour reprendre les mots d'un témoin.

Honorables sénateurs, je ne veux pas donner l'impression que seul le tabac de contrebande est nocif. Le tabac de contrebande est assorti de son lot de problèmes, notamment sur les plans de la santé et de la criminalité, c'est vrai, mais au bout du compte, c'est du tabac, c'est-à-dire une substance toxique et nocive qui, comme nous le savons, peut causer le cancer et des maladies du cœur.

Il y a quelques semaines, j'ai prononcé un discours à l'école secondaire Auburn Drive, à Cole Harbour, à propos du travail du Sénat. J'ai expliqué qu'un projet de loi pouvait être présenté à la Chambre haute et j'ai mentionné le projet de loi S-16 à titre d'exemple. J'ai aussi parlé des dangers du tabac de contrebande, un produit qui n'est pas réglementé, qui ne fait l'objet d'aucun contrôle de la qualité et qui peut contenir donc toutes sortes d'ingrédients dégoûtants. Un élève assis dans la première rangée m'a alors demandé : « Mais est-ce que le tabac n'est pas toujours mauvais pour la santé? » Oui, honorables sénateurs : le tabac, c'est toujours mauvais pour la santé.

J'aimerais remercier le sénateur White du travail qu'il a accompli en vue de faire la promotion de ce projet de loi. Je tiens aussi à remercier le président du comité, le sénateur Runciman, qui a toujours fait preuve d'équité dans ce rôle, de même que la vice- présidente du comité, la sénatrice Fraser. Je ne suis pas membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et j'ai été vivement impressionnée par le travail acharné que les sénateurs ont accompli au comité. Ils ont posé des questions pertinentes et ont collaboré afin de produire leurs excellentes observations.

Je ne crois pas que les peines minimales obligatoires aient un effet dissuasif. En fait, lorsque j'ai parlé au représentant du ministère de la Justice, il m'a dit que l'effet dissuasif de ces peines repose sur des suppositions. Or, comme à toutes les fois qu'il est question d'un nouveau projet de loi sur la criminalité, la solution du gouvernement consiste à imposer des peines minimales obligatoires. Comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, nous pouvons sans aucun doute faire mieux que de toujours nous en remettre à la même colution.

Même si je ne suis pas d'accord avec le principe des peines minimales obligatoires, j'espère que les autres changements apportés par le projet de loi S-16 nous aideront à lutter contre la contrebande du tabac.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de poursuivre, j'aimerais souligner la présence à la tribune du gouverneur général de Son Excellence la distinguée ambassadrice d'Israël au Canada, Mme Miriam Ziv, qui est accompagnée de son époux, M. Ariel Kenet.

Votre Excellence, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur la taxe d'accise
La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces
La Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Douglas Black propose que le projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations et des textes connexes, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir au sujet de ce projet de loi fiscale de nature technique très important, le projet de loi C-48, Loi de 2012 apportant des modifications techniques concernant l'impôt et les taxes. Cette mesure législative contribuera à la certitude et à la prévisibilité du régime fiscal canadien, ce qui est dans l'intérêt des contribuables et des fiscalistes. En effet, plus tôt cette année, le vérificateur général et de nombreux autres témoins ont comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes et ont affirmé que cela fait plus de 10 ans qu'on attend l'adoption d'une telle mesure.

Notamment, la loi met en œuvre diverses modifications fiscales apportées depuis plus de 10 ans, modifications qui ont fait l'objet de plusieurs consultations ouvertes et publiques. Malheureusement, les maints efforts que nous avons déployés durant les précédentes législatures pour faire adopter ces modifications techniques se sont, pour toutes sortes de raisons, soldées par un échec. Comme on peut bien l'imaginer, cela a entraîné un important arriéré dans le régime fiscal, et nous nous retrouvons maintenant dans une situation où il est encore plus important que jamais d'adopter ces modifications techniques. J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs les propos tenus par la vérificatrice générale du Canada en 2009; elle a soulevé cette même préoccupation lorsqu'elle a dit ce qui suit :

Chaque année, d'autres lacunes s'ajoutent, créant ainsi un arriéré sans cesse croissant de modifications techniques nécessaires.

La vérificatrice générale a exprimé d'autres raisons convaincantes pour lesquelles le Parlement devrait prendre des mesures immédiates pour régler le problème :

Par contre, les contribuables ne peuvent respecter leurs obligations que s'ils comprennent comment les règles de l'impôt s'appliquent à leur situation. [...] De plus, les doutes sur l'application correcte de la loi peuvent occasionner des délais et augmenter les coûts tant en ce qui touche l'administration fiscale que dans le contexte des vérifications fiscales.

Honorables sénateurs, l'opinion de la vérificatrice générale est partagée par nombre d'experts, notamment des fiscalistes, qui ont comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes dans le cadre de son étude.

Par exemple, un employé de Moodys LLP Tax Advisors a dit ceci :

Nous sommes d'avis que la certitude en matière fiscale a été sérieusement compromise du fait de l'incapacité à apporter les nombreuses modifications techniques comprises dans le projet de loi C-48.

Un représentant d'Ernst & Young abondait dans le même sens, en disant ce qui suit :

[...] nous sommes favorables au projet de loi C-48 et à l'adoption rapide des mesures législatives d'une manière générale. Nous sommes conscients qu'il faut trouver le juste équilibre entre la volonté de procéder rapidement à la promulgation d'une loi et la nécessité de bien étudier les mesures qu'elle renferme en s'assurant la contribution des parties intéressées. À cet égard, nous tenons à féliciter le ministère des Finances pour ses efforts incessants en vue de consulter de manière constructive les contribuables et les organisations professionnelles et commerciales qui s'intéressent à ces questions.

Honorables sénateurs, je souscris de tout cœur aux propos tenus par ces témoins devant le Comité des finances de la Chambre des communes, ainsi qu'à ceux du vérificateur général.

D'ailleurs, il convient de mentionner que le Comité des finances a appuyé à l'unanimité cette mesure législative. Autrement dit, les députés de toutes les allégeances politiques ont convenu que cette mesure législative se faisait attendre depuis longtemps et qu'il fallait l'adopter rapidement, opinion que partageront les sénateurs, je l'espère.

Quelles sont les mesures contenues dans le projet de loi? J'aimerais prendre un moment pour résumer brièvement le contenu de la Loi de 2012 apportant des modifications techniques concernant l'impôt et les taxes.

Je commencerai par la partie 1 du projet de loi, qui modifie les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu visant l'imposition des fiducies non résidentes. Ces changements reflètent les réactions recueillies lors des nombreuses consultations publiques qui ont eu lieu au cours des dernières années.

Les parties 2 et 3 traitent directement de l'imposition des sociétés multinationales canadiennes ayant des sociétés étrangères affiliées et prévoient la mise en œuvre de modifications qui, dans certains cas, remontent à 2004. Voilà qui rendra le système fiscal canadien plus juste, plus équitable et plus facile à administrer. Comme c'est le cas pour la majorité des mesures contenues dans le projet de loi, ces changements découlent de vastes consultations publiques.

La partie 4 traite du bijuridisme. Elle prévoit plus précisément des modifications qui permettront une application efficace du projet de loi sous les régimes de la common law et du droit civil. Des changements relatifs à certaines notions de droit privé, comme les notions de droit et d'intérêt, de bien immeuble et meuble, de domaine viager et résiduel, de bien corporel ou incorporel ainsi que de responsabilité solidaire et dissociable, seront bien cernées à la fois dans la common law et dans le droit civil et ce, dans les deux langues officielles.

La partie 5 du projet de loi met l'accent sur l'équité pour les contribuables en établissant un certain nombre de mesures pour mettre fin à des échappatoires fiscales, de façon à ce que tous les Canadiens paient leur juste part. Plus précisément, le projet de loi abolirait des échappatoires fiscales concernant les biens de location, assujettirait la conversion d'entités intermédiaires de placement déterminées en sociétés aux mêmes règles que celles auxquelles sont soumises les opérations entre sociétés, empêcherait les stratagèmes de création d'abris fiscaux par une augmentation artificielle des crédits pour impôts étrangers et, finalement, mettrait en place un régime de déclaration des opérations d'évitement fiscal.

Honorables sénateurs, non seulement ces mesures sont importantes en soi, mais elles s'inscrivent aussi dans un plan plus efficace. Elles jouent un rôle crucial dans la lutte du gouvernement contre l'évitement fiscal, et elles amélioreront l'intégrité du régime fiscal. Non seulement nous présentons un projet de loi apportant des modifications fiscales techniques marquantes, mais, dans le Plan d'action économique de 2013, nous affirmons notre volonté de rendre le régime fiscal plus juste et plus équitable pour tous les Canadiens.

En effet, depuis 2006, le gouvernement a mis en place plus de 75 mesures pour améliorer l'intégrité du système fiscal, y compris les mesures annoncées dans le Plan d'action économique de 2013. Les propositions énoncées dans le Plan d'action économique devraient permettre d'éliminer des échappatoires fiscales à une hauteur de près de 1 milliard de dollars sur cinq ans. J'aimerais parler de certaines mesures du Plan d'action économique de 2013 qui contribueront à mettre fin aux échappatoires fiscales et à la planification fiscale abusive, à clarifier les règles fiscales et à combattre l'évasion fiscale internationale.

D'abord et avant tout, le Plan d'action économique prévoit la mise en œuvre du programme Combattons l'évasion fiscale internationale. Ce nouveau programme permettra à l'Agence du revenu du Canada de verser, en guise de récompense, un pourcentage des impôts recouvrés aux personnes qui dénonceront des cas d'inobservation importante des lois fiscales au niveau international. D'autres mesures obligeraient les contribuables canadiens qui ont un revenu ou des propriétés à l'étranger à transmettre plus de renseignements, et donneraient à l'Agence du revenu plus de temps pour réévaluer le cas de ceux qui n'ont pas bien rendu compte de ce revenu. Elles rationaliseraient également le processus que doit suivre l'Agence du revenu pour obtenir auprès de tierces parties, comme les banques, des renseignements sur des personnes non identifiées.

En fait, nous ne sommes pas les seuls à agir sur cette importante question. Le budget de 2013 du gouvernement ontarien, déposé au début de mai, contient une section sur les échappatoires fiscales. Il semble donc que les gouvernements s'entendent sur le fait que tous devraient payer leur juste part d'impôts. Le gouvernement de l'Ontario s'inspire du gouvernement fédéral et, plus précisément, de ce projet de loi dans le cadre de sa lutte contre les échappatoires fiscales.

Permettez-moi de citer directement la page 266 du budget de l'Ontario :

[...] le gouvernement...

— c'est-à-dire le gouvernement de l'Ontario —

... proposera des mesures législatives prévoyant de nouvelles règles sur la déclaration des opérations d'évitement fiscal abusives similaires à celles présentées par le gouvernement fédéral en novembre 2012 dans le cadre du projet de loi C-48. Ces mesures exigeraient que les contribuables déclarent les opérations d'évitement fiscal abusives visant à échapper au fisc ontarien.

Je suis sûr que tous les sénateurs conviendront que d'éliminer les échappatoires qui permettent à quelques entreprises et personnes privilégiées d'éviter de payer leur juste part est inacceptable.

Je tiens à garantir à tous les sénateurs et les Canadiens que, dans sa démarche, le gouvernement conservateur continuera à faire le nécessaire pour protéger l'intégrité du régime fiscal. En s'y prenant ainsi, et en s'efforçant d'éliminer les échappatoires fiscales, il contribuera à maintenir les impôts peu élevés pour tous les Canadiens et leur famille.

Avant de discuter des mesures comprises dans la partie 6 de ce projet de loi, je tiens à souligner certains changements techniques présentés dans la partie 5. Ces changements sont apportés simplement pour que le système fonctionne selon l'intention de la politique qui le sous-tend. En fait, plusieurs de ces changements éliminent un fardeau fiscal en réglant des problèmes qu'ont identifiés des contribuables en appliquant des règles du régime d'impôt sur le revenu à leur propre situation.

Enfin, la partie 5 mettra en œuvre un changement concernant la Loi sur l'équité pour les travailleurs indépendants. Grâce à cette nouvelle initiative, le gouvernement conservateur a permis récemment aux travailleurs indépendants canadiens de ne plus avoir à choisir entre leurs responsabilités familiales et leurs responsabilités professionnelles. Je pense que tous les sénateurs appuieront fermement cette politique, car elle est très favorable à la famille, tout en constituant un des plus grands pas en avant pour les travailleurs indépendants depuis des décennies.

Le projet de loi de 2012 apportant des modifications techniques concernant l'impôt et les taxes apportera des changements au régime fiscal pour favoriser la mise en œuvre complète de cette mesure législative. Pour être plus précis, la Loi de l'impôt sur le revenu sera modifiée au moyen de changements corrélatifs, qui accorderont un crédit d'impôt personnel au titre des cotisations payées, en conformité avec le crédit existant qui touche aux cotisations des employés à l'assurance-emploi.

Examinons maintenant rapidement la partie 6 du projet de loi, qui comporte une série d'améliorations au cadre de la TPS et de la TVH, dont le fait d'exempter de TPS et de TVH le service administratif qui consiste à percevoir et à distribuer la redevance sur les supports vierges imposée par la Loi sur le droit d'auteur.

La partie 7 du projet de loi prévoit des changements mineurs et administratifs à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Elle permettra aussi que les accords d'application de la TPS des Premières Nations conclus entre le gouvernement fédéral et les gouvernements autochtones soient administrés en vertu du régime d'administration d'une province qui administre aussi la TPS fédérale.

Enfin, la partie 8 contient quelques modifications d'ordre administratif pour coordonner des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance et de la Loi sur les régimes de pension agréés collectifs.

Honorables sénateurs, en guise de conclusion, permettez-moi de vous signaler de nouveau que tous les membres du Comité des finances de la Chambre des communes, tous partis confondus, ont appuyé à l'unanimité ce projet de loi. Cet esprit de collaboration a permis qu'il soit adopté rapidement. J'espère que nous pourrons nous inspirer de cet esprit de collaboration lorsque nous examinerons cette mesure législative au Sénat.

(Sur la motion du sénateur Moore, le débat est ajourné.)

(1720)

La Loi sur les transports au Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Betty Unger propose que le projet de loi C-52, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (administration, transports aérien et ferroviaire et arbitrage), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-52, la Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises, qui propose d'apporter des modifications à la Loi sur les transports au Canada, en lien avec les services de transport ferroviaire des marchandises. Je vais tout d'abord remettre le projet de loi dans son contexte.

Le projet de loi C-52 résulte de l'Examen des services de transport ferroviaire des marchandises que le gouvernement conservateur a lancé en 2008 en vue de faire un examen exhaustif de toute la chaîne d'approvisionnement du transport ferroviaire des marchandises. Le gouvernement a lancé l'examen après que les expéditeurs se soient plaints pendant des années du service de mauvaise qualité, peu fiable et imprévisible, néfaste pour leur entreprise, fourni par les compagnies de chemin de fer. En 2011, le comité d'examen a remis son rapport final au gouvernement et ses recommandations figurent dans le projet de loi proposé.

Le projet de loi contient deux éléments clés. Premièrement, il incite fortement les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer à collaborer pour trouver un terrain d'entente au sujet des problèmes de transport ferroviaire des marchandises. Nous, les conservateurs, croyons que les solutions commerciales sont les meilleures solutions pour tout le monde.

Deuxièmement, étant donné que les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer ne parviennent pas toujours à trouver une solution commerciale aux problèmes de service, le projet de loi créerait un mécanisme pour résoudre rapidement les différends liés au service. Le projet de loi C-52 vise à créer un service plus prévisible de transport ferroviaire des marchandises, ce qui aidera les expéditeurs à faire prospérer leur entreprise et à acheminer plus de biens canadiens sur les marchés mondiaux. Il vise à renforcer la confiance dans la fiabilité du service de transport ferroviaire des marchandises.

En garantissant à tous les expéditeurs un service prévisible et fiable, ce projet de loi proposé contribue à la croissance du commerce canadien et, par conséquent, à la croissance de l'économie canadienne en général. En bref, ce projet de loi inscrirait dans la loi le droit des expéditeurs de conclure un accord sur les niveaux de service avec les compagnies de chemin de fer. Cela donnerait aux expéditeurs plus de latitude pour négocier commercialement des accords sur les niveaux de service. Ces accords rendent la relation entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer plus prévisible et fiable.

La mesure législative proposée prévoit également qu'en cas d'échec des négociations commerciales, les expéditeurs pourraient demander à l'Office des transports du Canada d'imposer un accord sur les niveaux de service au moyen de l'arbitrage. En établissant un accord, l'arbitre devrait tenir compte des besoins en services de transport de l'expéditeur, mais aussi de la responsabilité de la compagnie de chemin de fer de gérer un réseau efficient pour le bien de tous les usagers. L'arbitre rendrait ensuite une décision juste et raisonnable pour les deux parties, en tenant compte des circonstances particulières à chaque cas.

En outre, le projet de loi C-52 propose un nouveau moyen de faire respecter la loi en permettant à l'Office des transports du Canada d'imposer une sanction maximale de 100 000 $ à une compagnie de chemin de fer pour chaque contravention à un accord sur les niveaux de service, ce qui motiverait fortement les compagnies de chemin de fer à remplir leurs obligations en matière de service.

Les expéditeurs sont en faveur des mesures proposées dans le projet de loi C-52. Ils ont bien accueilli la mesure législative qui, à leur avis, les aidera à respecter leurs engagements commerciaux. Un grand nombre d'expéditeurs ont ainsi exprimé leur appui, mais plus particulièrement, ceux de trois secteurs cruciaux qui alimentent le commerce au Canada : l'agriculture, les forêts et les ressources naturelles.

Par exemple, Doug Chorney, président de Keystone Agricultural Producers, a qualifié la nouvelle mesure législative de réelle percée pour les agriculteurs. M. Chorney mentionne que, le service ferroviaire étant une grande préoccupation pour les producteurs céréaliers, plus vite elle sera adoptée, mieux ce sera.

En effet, les expéditeurs reconnaissent que ce projet de loi répond à leurs principales demandes concernant les accords commerciaux et favorise une collaboration soutenue avec les compagnies de chemin de fer. Il convient d'ailleurs de signaler l'importance des secteurs que j'ai mentionnés pour l'économie du Canada.

Honorables sénateurs, les produits agricoles et forestiers sont d'une importance capitale pour la prospérité du Canada. En effet, en 2011, près de 42 p. 100 de notre produit intérieur brut provenait des marchandises en vrac, dont les produits céréaliers et forestiers. Le secteur agricole du Canada est un des principaux fournisseurs de denrées alimentaires dans le monde. Nous produisons certains des meilleurs produits alimentaires du monde et nous devons répondre à une demande en hausse pour notre blé, notre blé dur, notre canola, nos légumineuses et d'autres produits. Des milliers de personnes et d'entreprises agricoles dépendent de notre capacité à produire et à commercialiser nos excellents produits dans le monde.

Le secteur agricole ne peut pas se passer du transport ferroviaire. Les Producteurs de grains du Canada estiment que nous exportons 35 millions de tonnes de grains par an, et que les expéditeurs dépensent environ 1,4 milliard de dollars en frais de transport ferroviaire.

Le portrait est à peu près le même dans le secteur forestier. Il existe une demande dans le monde pour des produits comme la pâte à papier et le bois d'œuvre. En 2001, les exportations de bois d'œuvre du Canada à destination des États-Unis ont dépassé 2,8 milliards de dollars et, à destination de l'Asie, elles ont dépassé 2,1 milliards de dollars. Ces produits doivent être transportés par train. En 2011, près de 8 milliards de dollars de produits agricoles et 9 milliards de dollars de produits forestiers ont été transportés par train. Pour que les expéditeurs de grains et de produits forestiers puissent saisir toutes les occasions commerciales qui s'offrent à eux, ils ont besoin d'un système fiable de transport ferroviaire des marchandises capable d'acheminer les produits de la ferme ou de l'usine jusqu'aux ports, d'où ils seront expédiés vers les marchés étrangers.

L'exploitation des ressources naturelles constitue un autre secteur de l'économie canadienne qui est un important facteur de prospérité pour notre pays. C'est un secteur qui comprend l'énergie et les mines et qui emploie directement presque 800 000 Canadiens et le même nombre de personnes dans les industries et les services connexes. Il représente environ 15 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. Une autre proportion de 4 p. 100 du PIB découle indirectement de ce secteur, c'est-à-dire de l'achat de produits et de services par les exploitants des ressources naturelles. Par conséquent, le secteur des ressources naturelles constitue presque un cinquième du PIB du Canada.

Un peu partout au Canada, des municipalités ont été fondées pour exploiter nos ressources naturelles et continuent d'en dépendre. De plus, les projets d'exploitation des ressources naturelles, en particulier les projets majeurs, fournissent aux gouvernements fédéral et provinciaux des recettes fiscales et des redevances en quantité importante. Le seul secteur de l'énergie représente une contribution d'environ 22 milliards de dollars par an.

Honorables sénateurs, à l'avenir, le potentiel d'augmentation des revenus provenant de ce secteur est énorme. Au cours des 10 prochaines années, des investissements de 650 milliards de dollars sont prévus dans le secteur des ressources naturelles au Canada, et certains projets sont déjà en cours.

Les industries du secteur des ressources naturelles sont les plus grands utilisateurs du transport ferroviaire de marchandises au Canada. Presque les deux tiers des expéditions de marchandises par rail au Canada proviennent des entreprises d'exploitation des ressources. L'utilisation du transport ferroviaire par le secteur de l'énergie, en particulier le secteur pétrolier, est en pleine croissance. Les sociétés pétrolières expédient de plus en plus de pétrole par train pour contourner le problème de la congestion des pipelines.

Les analystes de l'industrie soulignent que les expéditions de pétrole par train en Amérique du Nord ont augmenté de 360 000 barils par jour au cours de la dernière année. Elles atteignent presque un demi-million de barils par jour, ce qui équivaut au volume que transporterait un nouveau pipeline. Pour que les projets de ces secteurs continuent de connaître du succès, les expéditeurs doivent être en mesure de livrer leurs ressources en vrac et leurs produits finis de manière fiable et efficace aux fabricants et aux marchés, qu'ils se trouvent sur ce continent ou ailleurs.

(1730)

Par conséquent, le réseau canadien de transport ferroviaire des marchandises apporte un soutien crucial à ces entreprises et industries. Tous les expéditeurs ont besoin de services ferroviaires clairs, prévisibles et fiables, peu importe la nature de leurs produits ou la complexité de la livraison au marché. Ils doivent savoir que leurs produits seront livrés à temps et au bon endroit. C'est pourquoi les expéditeurs veulent que les compagnies de chemin de fer s'assurent qu'ils obtiennent les services ferroviaires nécessaires pour livrer les marchandises à leurs clients, tel qu'il a été prévu.

Les accords sur les niveaux de service entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs permettent d'atteindre cet objectif. Ils donnent aux expéditeurs plus de précisions sur les services ferroviaires qu'ils peuvent s'attendre à recevoir, et ils améliorent nos chaînes d'approvisionnement en favorisant une approche stratégique qui encourage toutes les parties à travailler ensemble pour appuyer le programme commercial du Canada.

Honorables sénateurs, j'aimerais souligner que, pour promouvoir le commerce comme un facteur favorable à la prospérité économique canadienne, nous devrons appuyer les partenariats et en créer de nouveaux. Ces partenariats sont essentiels à la réussite économique du Canada. Diverses industries et entreprises du secteur des transports collaborent afin que l'acheminement des produits vers les marchés se fasse sans heurts.

Les changements proposés par le gouvernement dans cette mesure législative renforceraient davantage ces partenariats, tout en améliorant les chaînes d'approvisionnement du transport.

Comme on l'a indiqué plus tôt, les expéditeurs comptent sur les compagnies de chemin de fer pour acheminer leurs produits au marché dans les délais prévus. Pour les compagnies de chemin de fer, une collaboration avec les expéditeurs signifie une circulation ferroviaire plus prévisible, ce qui les aidera à gérer leurs réseaux plus efficacement. La chaîne d'approvisionnement ferroviaire est complexe et compte de nombreux intervenants. Les partenariats entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer contribuent à la fluidité et à l'efficacité de l'ensemble des réseaux de transports canadiens.

Il ne faut pas oublier que certains facteurs extérieurs peuvent avoir une incidence négative sur nos échanges commerciaux et que les réseaux de transport du Canada sont en concurrence avec d'autres réseaux d'Amérique du Nord. Quand les marchandises arrivent en retard à un port canadien, les expéditeurs peuvent être tentés de choisir d'autres fournisseurs de services de transport ou d'autres ports aux États-Unis ou au Mexique, ce qui confirme qu'il faut que les services de transport ferroviaire entre les lieux d'origine et les ports canadiens soient fiables. C'est nécessaire pour la compétitivité des ports canadiens et de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement du Canada.

C'est la raison pour laquelle la nouvelle mesure législative dont nous sommes saisis favorise les partenariats en incitant les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer à conclure des ententes de services. Ce projet de loi montre qu'il est important que les services de transport ferroviaire des marchandises soient fiables et efficaces; il vient s'ajouter aux nombreuses initiatives du gouvernement relatives aux portes d'entrée, qui ont aussi pour but d'améliorer les chaînes d'approvisionnement du Canada.

L'efficacité des chaînes d'approvisionnement du Canada est essentielle aux échanges commerciaux qui stimulent la croissance économique du Canada. Ces chaînes comportent de nombreux intervenants, notamment les ports, les fournisseurs de services de transport, les expéditeurs et les gouvernements. Tous ont intérêt à ce que les réseaux de transport soient interreliés et efficaces et que le transport des marchandises se fasse sans heurts.

Les réseaux de transport du Canada ont déjà connu des engorgements. Les ralentissements ainsi causés ont nui à la capacité des réseaux canadiens de transporter efficacement les marchandises des ports vers les marchés mondiaux. Pour régler ce problème, le gouvernement conservateur s'est employé, en collaboration avec les autres ordres de gouvernement et le secteur privé, à mettre en œuvre un cadre national sur les portes d'entrée et les corridors commerciaux stratégiques du Canada.

Pour les besoins du débat, rappelons-nous que c'est le gouvernement actuel qui a ciblé trois portes d'entrée pour le commerce international : la porte d'entrée de l'Asie-Pacifique, sur la côte Ouest, la porte d'entrée de l'Atlantique, sur la côte Est, et la porte d'entrée continentale, qui relie le centre du Canada au cœur de l'Amérique du Nord.

Comme les chaînes d'approvisionnement ne reposent jamais complètement sur un seul navire, un seul port, une seule aérogare ou une seule route, cette stratégie sur les portes d'entrée vise à améliorer les réseaux de transport et à soutenir les infrastructures de transport du Canada en adoptant des mesures globales axées sur les systèmes.

Afin d'appuyer cette initiative, le Plan d'action économique de 2013 prévoit un investissement de quelque 53 milliards de dollars dans l'infrastructure sur 10 ans, commençant l'an prochain. Il s'agit du plus important engagement fédéral à long terme dans l'infrastructure canadienne de l'histoire du pays.

Le développement de portes d'entrée et les investissements dans l'infrastructure ne représentent qu'une partie des mesures que nous prenons afin de renforcer les chaînes d'approvisionnement qui assurent le transport des produits canadiens. En contribuant à l'établissement de chaînes d'approvisionnement et de réseaux plus prévisibles, fiables et efficaces, le projet de loi C-52 renforcerait les nombreux partenariats constitués grâce aux initiatives des portes d'entrée. Il améliorerait également la fluidité des mouvements de marchandises dans les ports et les terminaux, et permettrait à nos chaînes d'approvisionnement d'accroître la compétitivité du Canada sur les marchés mondiaux.

Cette mesure législative encouragerait le genre de partenariats qui ont contribué au succès de nos portes d'entrée en tenant compte du fait que les expéditeurs ont besoin d'assurer le maintien et la croissance de leurs activités, et que les compagnies de chemin de fer ont besoin de gérer des réseaux de transport ferroviaire qui bénéficient à tous.

Pour conclure, j'aimerais indiquer que toutes les parties qui prennent part aux échanges commerciaux, tant dans les secteurs public que privé, sont importantes pour le renforcement de la compétitivité du Canada sur les marchés mondiaux et, en retour, pour notre prospérité future. Ceux qui produisent des produits de base comme les céréales et les produits forestiers contribuent à notre économie car la demande mondiale pour ces produits va en augmentant. Les expéditeurs contribuent également à renforcer l'économie canadienne en livrant ces produits et en augmentant leurs parts de marché.

Toutefois, pour que tout cela devienne réalité, il nous faut un système ferroviaire solide, capable de s'adapter aux besoins du marché. Cette adaptation ne sera possible que si nous réussissons à établir un partenariat fiable et prévisible entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer.

Compte tenu de l'importance pour notre économie du transport ferroviaire de marchandises, dont celui des produits céréaliers et forestiers, nous devons prendre des mesures proactives afin d'en améliorer l'efficacité, l'efficience et la fiabilité. C'est pourquoi le Parlement renforcerait les chaînes d'approvisionnement du Canada, encouragerait nos capacités commerciales et soutiendrait notre prospérité future en adoptant le projet de loi C-52, Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises.

Permettez-moi également de souligner le vaste appui dont ce projet de loi a profité de la part de tous les partis à l'autre endroit. Il a en effet été adopté par 255 voix contre 0. L'appui unanime à l'égard de ce projet de loi illustre bien dans quelle mesure il est essentiel pour l'avenir économique du Canada, car il contribuera à la création d'emplois et à la croissance économique.

C'est pourquoi j'invite tous les sénateurs à voter en faveur du projet de loi C-52.

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, le débat est ajourné.)

(1740)

Le Sénat

Motion tendant à dissoudre le Comité spécial sur l'antiterrorisme—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall :

Que le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme soit dissous dès l'adoption de cette motion.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, étant donné que des mesures ont été prises, nous reporterons la discussion à ce sujet.

(Le débat est reporté.)

[Français]

La Loi d'interprétation

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Retrait du Feuilleton

À l'appel des Projets de loi d'intérêt public du Sénat — Troisième lecture :

Troisième lecture du projet de loi S-207, Loi modifiant la Loi d'interprétation (maintien des droits autochtones ancestraux ou issus de traités), tel que modifié.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, ce projet de loi a été ajourné à mon nom, mais la motion n'avait pas été proposée.

Je n'ai pas l'intention de prendre la parole sur ce projet de loi. Je sais que le sénateur Watt aimerait le faire, car il en est le parrain. Pour ma part, je ne tiens pas à garder l'ajournement à mon nom. Nous en sommes au 15e jour de débat.

[Traduction]

La Loi sur l'assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l'honorable sénateur Braley, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération).

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, nous avons une autre occasion de rejeter le projet de loi S-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération). Je tiens à rappeler que cette mesure comporte des lacunes fondamentales et qu'elle nuira aux Canadiens. À chaque étape, les gens qui s'inquiètent, comme moi, de la teneur du projet de loi C-316 ont présenté des arguments valides et solides, bien plus que ne l'ont fait le parrain de cette mesure, le député Dick Harris, et ceux qui l'appuient.

La Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération) a été inspirée par l'histoire d'une famille de la circonscription de M. Harris, en Colombie-Britannique. Une femme mariée, mère de deux enfants, s'est absentée de son emploi pendant un certain temps parce qu'elle souhaitait renforcer ses compétences. Elle a obtenu un diplôme, puis elle est retournée au travail. Trois mois plus tard, elle a appris qu'elle souffrait d'un cancer. Elle a aussi appris qu'elle n'était pas admissible aux prestations d'assurance-emploi parce qu'elle n'avait pas accumulé assez d'heures assurables pendant la période d'admissibilité, c'est-à-dire pendant les 52 semaines précédant sa demande de prestations.

M. Harris a voulu aider cette femme à déterminer si la Loi sur l'assurance-emploi comportait des dispositions s'appliquant à une situation difficile comme la sienne. Il s'est aperçu qu'il n'y en avait pas. Au cours de ses recherches, il a cependant découvert que la loi prévoit une prolongation des périodes de référence et de prestations pour les personnes incarcérées pendant moins de deux ans.

Honorables sénateurs, il peut nous arriver à tous d'associer spontanément une situation à une autre, l'émotion l'emportant sur la raison et le jugement éclairé. Notre réaction à la première est transposée à la seconde, même s'il n'y a entre elles aucun rapport. D'habitude, la raison finit par triompher et nous cherchons des faits qui nous aideront à adopter une vision plus complète et plus équilibrée de la question. Je dis bien d'habitude, car ce n'est malheureusement pas toujours le cas.

Au lieu de proposer des modifications à la Loi sur l'assurance- emploi ou d'élaborer une nouvelle mesure législative qui pourrait véritablement aider les personnes victimes de circonstances comme celles dans lesquelles se trouvait la femme qu'il cherchait à aider, M. Harris a conçu un projet de loi qui aura certainement des répercussions malheureuses sur un groupe de personnes très vulnérables et les personnes à leur charge. Je suis désolé d'avoir à dire une telle chose, mais la façon typique des conservateurs de redresser une injustice, c'est d'en créer d'autres.

La stigmatisation sociale liée à l'incarcération est l'une des raisons pour lesquelles ce groupe est si vulnérable. Les parrains et les défenseurs de ce projet de loi ont certainement joué sur les attitudes négatives pour atteindre leurs objectifs. Selon leur camp, les dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi constituent un « privilège » et accordent un « traitement préférentiel ». Elles « privilégient certains au détriment de la majorité ». Elles privent de prestations des « citoyens qui travaillent fort et sont respectueux des lois ». Elles « récompensent le crime ».

Toutes ces affirmations sont fausses. C'est un discours qui dresse les gens les uns contre les autres, polarise le débat et nous éloigne des questions qui comptent vraiment, mais seulement si nous le permettons.

Les dispositions visant les personnes qui ont été emprisonnées n'enlèvent rien à personne. Ceux qui appuient le projet de loi affirment être à la recherche de l'équité. C'est le terme qu'a employé le député au comité, il parlait sans cesse « d'équité ». Je conçois mal comment on peut parler d'équité ici.

Le député Rodger Cuzner à la Chambre des communes et le sénateur Eggleton au Sénat ont tous les deux souligné l'absurdité de cette mesure législative. Le projet de loi C-316 est tout simplement injuste pour les personnes qui perdront le bénéfice de dispositions qui avaient été adoptées précisément pour eux et c'est injuste pour l'ensemble des Canadiens.

La période de référence visant les personnes emprisonnées a été prolongée en 1959, et la prolongation visant la période de prestations pour ces mêmes personnes est entrée en vigueur en 1971. Il y a trois arguments qui militent en faveur de ces prolongations. Premièrement, la personne qui perd son emploi parce qu'elle doit purger une peine d'emprisonnement a payé des cotisations et elle a le droit de recevoir les prestations correspondantes lorsqu'elle retrouve sa liberté. C'est logique. Deuxièmement, ne pas avoir le droit de recevoir des prestations reviendrait à infliger à la personne une peine supplémentaire, en plus de la peine d'emprisonnement. Troisièmement, le fait de recevoir des prestations favorise la réintégration de la personne dans la société.

Lors des audiences du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie portant sur ce projet de loi, des témoins ont expliqué l'importance de ces dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi. Ces témoignages fondés sur les faits, l'expérience et l'expertise étaient encourageants et éclairants. Leur contribution à l'étude du projet de loi m'a permis à moi et à d'autres de mieux comprendre pourquoi ces dispositions avaient été adoptées et pourquoi il ne faut absolument pas les abroger.

C'est la discussion sur le lien entre pauvreté et criminalité au Canada qui m'a le plus frappé. Il est clair que la pauvreté touche davantage certains groupes. Selon le recensement de 2011 de Statistique Canada, les familles autochtones et les familles d'immigrants sont deux à trois fois plus susceptibles que l'ensemble de la population de vivre dans la pauvreté.

Lorsqu'on regarde le genre de personnes qui sont actuellement détenues dans les prisons provinciales et fédérales, on voit aussi que certains groupes s'y retrouvent dans une proportion démesurée, et qu'ils ont tendance à appartenir à la classe socio-économique la plus défavorisée. Ce sont encore une fois des Autochtones, des membres des minorités ethniques, et des personnes atteints de problèmes de santé mentale comme ceux liés au syndrome d'alcoolisation fœtale et aux troubles bipolaires. Statistique Canada a découvert que, bien que les Autochtones représentent 3 p. 100 de la population canadienne, ils comptent pour 20 p. 100 de la population carcérale des provinces et des territoires.

Le Service correctionnel du Canada prévoit que, d'ici la fin de la décennie, la moitié des femmes incarcérées dans les établissements fédéraux — j'ai bien dit la moitié —seront des Autochtones. J'ajouterai que la majorité des prisonnières sont des mères qui, dans la plupart des cas, sont les seules responsables de leurs enfants; ce sont des mères seules.

Parfois, la pauvreté place certaines personnes dans des situations qui leur semblent insoutenables, et qui peuvent les amener à prendre des décisions difficiles et compromettantes. Selon le rapport de Centraide intitulé Crimes of Desperation : The truth about poverty- related crime, publié en 2008, la plupart des prisonnières ont commis des crimes non violents comme le vol à l'étalage, le resquillage lié au transport public ou la possession de stupéfiants liée à une dépendance.

M. Harris et d'autres personnes ont parlé avec trop d'insistance du choix de respecter ou d'enfreindre la loi. Ce faisant, ils ont trahi leur manque de sensibilité ou de discernement à l'égard de la pauvreté et de son influence sur le taux de criminalité.

Les prisons provinciales sont des endroits horribles. Elles sont dangereuses, violentes et surpeuplées. Qui choisirait de faire quoi que ce soit pouvant mener à une incarcération dans ce genre d'endroit?

(1750)

Le rapport Mothering, Crime, And Incarceration, publié en 2003, analyse les raisons pour lesquelles les femmes se mettent hors la loi. Il expose les motifs psychologiques qui en poussent certaines à commettre un acte criminel :

Lorsque les femmes se heurtent à un obstacle systémique, il arrive souvent qu'elles justifient leurs actes criminels en les considérant comme un moyen pour elles-mêmes ou pour les personnes leur à charge d'échapper à la faim ou à l'itinérance.

M. Harris est le député de Cariboo—Prince George, une région du pays où vivent plusieurs Autochtones. Lorsqu'il a témoigné au comité à propos de ce projet de loi, la sénatrice Dyck a souligné que les expériences telles que celles que les femmes des Premières Nations ont vécues dans les pensionnats indiens créent un cycle de violence. Elle a dit : « [...] ces femmes, non pas parce qu'elles veulent être des criminelles, se retrouvent derrière les barreaux ». Au vu des répercussions néfastes qu'aura le projet de loi sur les détenues autochtones, la sénatrice a alors demandé à M. Harris s'il avait cherché à connaître l'opinion des femmes autochtones de sa circonscription; il a répondu par la négative.

À l'instar du sénateur Eggleton, la sénatrice Dyck a contribué à faire ressortir une lacune grave de l'approche qu'a adoptée M. Harris pour préparer le projet de loi : il semblerait qu'il n'a jamais fait ce qu'il fallait pour cerner précisément les types d'actes criminels que commettent les personnes qui purgent une peine de moins de deux ans. Pour justifier le projet de loi, il se contente de chercher à donner l'impression que celles-ci sont des menaces pour la société. Il a utilisé le mot « agression » et laissé entendre qu'elles se rendent coupables de crimes que nous nous devons de réprimer. Pourtant, en réalité, 75 p. 100 des détenus purgent une peine d'un maximum de trois mois, ce qui n'est jamais associé qu'aux délits mineurs.

Centraide, la Société John Howard et l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry ne sont que trois des organismes qui adhèrent à l'argumentaire en faveur de l'inclusion de dispositions visant expressément les détenus dans la Loi sur l'assurance-emploi. À leur avis, refuser des prestations à ces personnes équivaut à leur imposer une peine supplémentaire à leur sortie de prison. C'est comme si on doublait la condamnation pénale d'une sanction civile. Voici ce que le député de Cape Breton—Canso, Rodger Cuzner, a affirmé à l'autre endroit lorsqu'il a pris la parole à l'étape de la deuxième lecture :

L'idéal quand on relâche ces gens-là, c'est qu'ils soient devenus meilleurs et plus ouverts, et qu'ils aient la volonté de devenir de meilleurs citoyens.

Il est essentiel de leur offrir un appui en les aidant à trouver un emploi ou en leur offrant un soutien du revenu pendant qu'ils cherchent du travail. Si nous leur refusons une source de revenus comme l'assurance-emploi, il est presque certain que nous leur imposerons un stress financier supplémentaire et que nous leur causerons des inquiétudes puisqu'ils se demanderont s'ils pourront subvenir à leurs propres besoins ou à ceux de leur famille.

En mars, le sénateur Eggleton nous a clairement expliqué à quel point des mesures de soutien comme les prestations d'assurance- emploi peuvent être nécessaires pour ceux qui tentent de reprendre leur vie en main. Voici ce qu'il a déclaré :

[...] les risques de récidive sont nettement plus élevés lorsque les détenus remis en liberté ne disposent pas de toutes les mesures d'aide à l'emploi qui sont actuellement à leur disposition. D'ailleurs, les chiffres montrent que de 11 à 13 p. 100 des détenus libérés sont moins enclins à récidiver s'ils occupent un emploi ou bénéficient d'une passerelle vers l'emploi.

Une étude menée en 2007 par le ministère de la Sécurité publique fait état des obstacles que les personnes libérées doivent bien souvent surmonter. Elles ont perdu leur emploi et leur moyen de subsistance. Il est donc difficile pour elles d'avoir un foyer. Pour pouvoir réintégrer la société, ces personnes doivent assumer des coûts ponctuels importants. Elles peuvent par exemple être tenues de donner un dépôt pour le loyer ou de se procurer d'autres biens essentiels. Se fondant sur ce scénario, les représentants de l'Association canadienne de justice pénale ont déclaré ce qui suit au comité sénatorial :

Le fait d'empêcher des gens actuellement admissibles au régime d'assurance-emploi de recevoir des prestations quand ils recouvrent leur liberté pourrait nuire aux objectifs de sécurité publique en privant ces gens des fonds dont ils pourraient avoir besoin pour se nourrir et se loger, advenant qu'ils ne puissent trouver initialement un emploi stable lors de leur libération.

Vers qui ces gens peuvent-ils se tourner s'ils ne sont pas en mesure de joindre les deux bouts et de répondre à leurs propres besoins essentiels ou à ceux de leur famille? Il est fort probable qu'ils devront se tourner vers les programmes d'aide sociale et que ce sont donc les provinces et les territoires qui hériteront de cette responsabilité. Voilà un autre enjeu qui n'a pas été pris en compte par ceux qui insistent pour qu'on adopte ce projet de loi. Par conséquent, nous n'avons pas une idée claire, ni même une estimation, des répercussions sociales et économiques que ce projet de loi pourrait avoir.

Lorsqu'on lui a exposé en détail les répercussions de ce projet de loi sur la vie des personnes visées, M. Harris est resté intraitable. Il a déclaré que ces personnes n'auraient pas dû commettre de crimes en premier lieu. Pour ce qui est des autres mécanismes de soutien, il a suggéré des programmes comme ceux qu'offrent la Société Elizabeth Fry et la Société John Howard. Comme des représentants de ces deux organismes étaient présents, nous leur avons demandé si cela serait possible. Ils nous ont répondu qu'ils aimeraient bien pouvoir aider ces gens, mais que, faute de financement, cela leur était impossible.

Le contraste est frappant entre, d'une part, le désir d'en faire plus pour aider des gens à s'intégrer positivement à la société et, d'autre part, les sentiments exprimés dans le projet de loi C-316. Je m'identifie davantage à la première option, car elle est conforme à mes convictions concernant le potentiel humain et notre pays. Chaque fois qu'ils ont pu le faire, les opposants à ce projet de loi ont fait ressortir ses nombreuses lacunes. Nous avons mis en évidence les lacunes, les unes après les autres. Ce projet de loi ne présente aucun avantage.

Je n'arrête pas de penser à cette jeune femme et à l'occasion dont aurait dû profiter M. Harris pour proposer des modifications qui auraient pu être approuvées à l'unanimité pour que cette personne puisse recevoir des prestations d'assurance-emploi. C'est tout ce qu'il fallait faire. On ne punit pas les gens parce qu'une loi est inefficace. Cela ne se fait tout simplement pas. Ce projet de loi ne fera que punir encore davantage les gens qui sont incarcérés. Il est vraiment décourageant et inquiétant de penser que ce projet de loi a déjà franchi autant d'étapes dans le processus législatif.

Aucune recherche n'a été réalisée pour évaluer les répercussions du projet de loi sur qui que ce soit, des cotisants à la caisse d'assurance-emploi à l'ensemble de la population canadienne. Les travaux de recherche dont nous disposons montrent tous que ce projet de loi est une très mauvaise idée.

Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président intérimaire : Êtes-vous disposés à accorder cinq minutes de plus, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Munson : Merci. La représentante de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, Mme Pate, qui a participé aux audiences de notre comité, a dit des paroles qui sont restées gravées dans mon esprit :

C'est un sentiment de désespoir qui s'exprime dans un pays où nous étions fiers de pouvoir dire, jour après jour, à nos enfants, que l'erreur était possible et qu'on pouvait payer sa dette envers la collectivité.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à résister aux motifs invoqués pour justifier ce projet de loi. Ne pas y souscrire ne fera pas de vous une personne moins honnête ou moins courageuse. Notre travail consiste à prendre le temps de réfléchir à ce qu'on nous propose. Nous sommes chanceux de vivre dans un pays où les gens sont invités à communiquer aux décideurs comme nous leur point de vue et leur expertise sur les sujets à l'ordre du jour. Nous avons la chance de vivre dans un pays démocratique où, même à la dernière étape de l'étude d'un projet de loi, nous avons le droit d'agir selon nos propres convictions. Nous siégeons au Sénat depuis un certain temps. Certains d'entre nous y sont depuis presque 10 ans, et j'ai peine à le croire. Ce projet de loi d'initiative parlementaire est l'occasion pour chacun d'entre nous — et je m'adresse à mes collègues conservateurs qui se trouvent de l'autre côté de l'allée — de réfléchir aux arguments présentés et aux témoignages de M. Harris, de Centraide, des sociétés Elizabeth Fry et des autres personnes qui œuvrent dans ce domaine.

Nous pouvons nous prononcer à titre individuel, et non en tant que membres d'un parti. Je sais que, pour certains projets de loi, nous devons voter tous selon notre appartenance à un camp ou l'autre, mais le projet de loi actuel est l'occasion de défendre les plus démunis de notre pays. Ce sont des gens qui, par désespoir, vont commettre un vol à l'étalage ou prendre un peu d'argent, mais sans le vouloir vraiment. Une femme autochtone est seule pour élever trois enfants et a versé des cotisations d'assurance-emploi pendant trois ou quatre ans, mais elle se fait prendre parce qu'elle est au désespoir et se sent obligée d'agir ainsi. Elle se retrouve donc en prison pendant trois ou cinq mois, peu importe. Il s'agit d'un enjeu de société, et j'exhorte mes collègues d'en face à vraiment réfléchir et à profiter de l'occasion qui se présente pour se prononcer à titre individuel sur ce projet de loi. L'occasion est là.

Je suis contre ce projet de loi, honorables sénateurs. Nous avons la chance de l'empêcher d'être adopté.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, au nom de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

(1800)

[Français]

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai discuté de la question avec la sénatrice Tardif. Je propose que la séance soit maintenant levée.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 5 juin 2013, à 13 h 30.)

Haut de page